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Arlitto
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 Quand Dieu s'invite dans le football Empty Quand Dieu s'invite dans le football

Mar 29 Oct 2019 - 18:08

Sport



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Propos recueillis par Matthieu Stricot - publié le 22/12/2014
Conversion de Ribéry à l'islam, joueuses voilées ou encore prosélytisme évangélique dans le football brésilien… Régulièrement, les questions religieuses touchent l'actualité du ballon rond. Mais quelle place occupe réellement la religion dans le football ? Pendant trois ans, le journaliste sportif Nicolas Vilas* a mené l'enquête. Dans Dieu Football Club, paru en novembre, il remonte aux fondements des clubs et entre dans la foi des joueurs. Entretien.


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Dans les premières pages de Dieu Football Club, vous assimilez langage footballistique et langage religieux. Pourquoi ?
Certaines expressions sont connotées religieusement ou spirituellement. Par exemple, un 0-0 est un score nul et vierge. On dit aussi que certains stades sont l'enfer pour leur adversaire, que le gardien s'est fait crucifier, que les vainqueurs sont au paradis. Les joueurs sont des dieux pour leurs supporters. Eux-mêmes sont des fidèles, qui chantent des « carols » (cantiques) en Angleterre. Tout un champ lexical propre au football s'inspire de la religion.


Justement, la religion catholique est à l'origine de nombreux clubs de football en France. Vous citez les exemples d'Auxerre, Brest et Vannes.
Les patronages catholiques sont à la base de la création de beaucoup de clubs de football en France. Souvent, des clubs de foot laïques ont été créés en opposition. D'où la dimension sociale ou politique de l’organisation de derbys, comme à Auxerre, Brest ou Vannes, où s'affrontaient le club des curés et le club des laïcs. Il peut s’agir aussi de rivalité entre confessions différentes. À Glasgow, en Ecosse, le derby des Rangers-Celtic oppose protestants et catholiques.


En plus du cas de Glasgow, vous évoquez l'Irlande du Nord ou encore la Bosnie. Dans des pays qui ont connu des conflits interreligieux, les tensions se sont-elles reflétées sur le terrain ?
Les tensions en Irlande du Nord se sont transférées à Glasgow. En plus d'être un conflit entre deux religions, il oppose royalistes et unionistes. Mais depuis que l'IRA (Armée républicaine irlandaise) a déposé les armes, la situation s'est apaisée.
En Bosnie, le phénomène est différent. Quand Faruk Hadzibegic et Vahid Halilodzic  jouaient dans l'équipe de Yougoslavie unifiée, les diverses ethnies cohabitaient sereinement dans les vestiaires. Pendant la dernière Coupe du Monde, Safet Susic, sélectionneur de la Bosnie, avait une équipe majoritairement musulmane, avec très peu de catholiques et d'orthodoxes. Même s'il affirme qu'il n'y a aucun problème entre les joueurs, il aurait préféré avoir une équipe plus représentative et unifiée.



La religion peut être un vecteur d'intégration ou de revendication dans le football. Cela vaut pour les clubs latins de la Péninsule ibérique ou d'Amérique latine, aussi bien que pour les clubs juifs comme Tottenham ou l'Ajax Amsterdam ou les clubs musulmans au Maghreb. Comment la religion leur a-t-elle permis d'affirmer leur identité ?
Au Maghreb, sous l'emprise coloniale, les partis indépendantistes étaient interdits. Les sociétés culturelles ou sportives sont ainsi devenues des vecteurs d'affirmation nationaliste importants. La différenciation se faisait à travers des symboles comme le nom ou la couleur du blason – des couleurs importantes dans l'islam : le rouge, le vert et le blanc. 
Dans les pays latins, c'est une autre réalité. Dans ces pays de tradition catholique, la religion est très présente dans les clubs. En Amérique du Sud, il est fréquent de voir des chapelles dans les stades ou dans les centres d'entraînement. Des aumôniers font parfois partie du staff. Rites et pèlerinages ont lieu en cours de saison. Tout un rituel est lié au phénomène religieux.



Au-delà d'une analyse générale, vous êtes rentré dans l'intimité des joueurs. Les joueurs catholiques ne sont pas réputés les plus expressifs dans leur pratique religieuse. Avez-vous pu le vérifer ?
Je ne sais pas s'ils sont plus discrets. Je pense qu'on les remarque moins. Même si je ne suis pas croyant, j'ai eu une éducation catholique et j'y fais peut-être moins attention. Parmi les joueurs catholiques très pratiquants, je parle de Bafétimbi Gomis ou Yohan Cabaye. Mais ils ne sont pas nombreux. Hors de France, je pense à Luiz Felipe Scolari, l'ancien entraîneur du Brésil et du Portugal. Il est très démonstratif et ne s'en cache pas. Régulièrement, il part en pèlerinage à Notre-Dame de Caravaggio, en Italie, et une image de la Vierge l'accompagne toujours dans les vestiaires.


Les médias mettent plus souvent en lumière les conversions à l'islam. Celle de Franck Ribéry est la plus connue. Est-ce lié à une vision négative de l'islam dans la société ?
L'islam étant souvent appréhendé par les médias comme un problème, les gens se focalisent là-dessus. Quand un joueur faisait le signe de croix en entrant sur le terrain, on n'y attachait pas beaucoup d'importance. Aujourd'hui, quand un musulman fait sa prière, on le remarque plus. Le phénomène découle peut-être aussi de la multiplication des médias. Il y a plus de gros plans sur joueurs, au sens propre comme au figuré.


Vous abordez la question de la prière, mais aussi celles du ramadan, de la nourriture halal, ou encore de la fête du Yom Kippour chez les juifs. La pratique religieuse est-elle compatible avec le football professionnel ?
Il n'y a pas de généralité. Chaque personne vit sa religion différemment. Le plus intéressant, c'est que les clubs et les dirigeants se sont déjà adaptés à ce type de pratique. Ils savent s'organiser par rapport aux habitudes alimentaires, aux prières, aux périodes de jeûne ou de chômage. Ils fonctionnent quasiment au cas par cas. Jean-Marc Furlan ou Vahid Halilhodzic expliquent avoir d'abord une discussion avec le groupe, puis avec chaque individu. Aujourd'hui, on essaie de régler tous les débats de la société par des lois, des généralités. Mais dans le milieu du football, ils ont déjà compris que la meilleure façon d'appréhender ces cas-là, c'est justement de ne pas en faire. Le cas de Frédéric Kanouté est très intéressant. Très engagé politiquement et converti à l'islam, on le dit aussi très orthodoxe dans sa façon de vivre sa foi. Mais quand il jouait au FC Séville, il n'a jamais demandé de viande halal. Finalement, on le lui a proposé au bout de quatre ans. Comme quoi, ce n'est pas parce que l'on est très croyant que l'on veut imposer sa foi à son employeur ou à son entourage.


Par sa portée, le football fonctionne comme une formidable caisse de résonance. Peut-il devenir un vecteur de prosélytisme dans certains cas ?
Aujourd'hui, le débat autour du prosélytisme n'est pas très bien placé. Est ce qu'un joueur qui fait sa prière agit en prosélyte ? Il prie pour lui-même, mais en présence des caméras. Ce n'est pas de sa faute s'il est filmé. Le prosélytisme est une pratique assumée par certaines religions, mais on ne peut pas non plus faire de généralité. Pour les évangéliques, propager le message de Jésus fait partie intégrante de leur foi. Quand des joueurs brésiliens ont défilé avec des T-shirt I love Jesus, la fédération brésilienne leur a interdit ce genre d'action en public, estimant que c'était du prosélytisme. J'ai également rencontré l'ancien Lyonnais Jean-Marc Chanelet, évangélique lui aussi, mais non prosélyte. Il est très compliqué d'établir une frontière dans un sport aussi médiatisé, avec une telle portée.


Qu'en est-il du port du voile chez les footballeuses ?
C'est une vraie problématique, quand on sait que la France est candidate à l'organisation de la Coupe du monde féminine en 2019. Il y a eu une passe d'armes entre la FFF et la Fifa sur port du voile. La FFF fait prévaloir le droit français, interdisant tout signe religieux. La Fifa l'autorise. Si la France remporte l'attribution de la Coupe du monde et que des joueuses veulent apparaître voilées sur le terrain, comment fera-t-on ? Helena Costa, qui a entraîné les sélections iranienne et qatarie, a connu cette problématique. Finalement, de nombreux politiciens et dirigeants du football ont abordé la question, mais on n'entend jamais les joueuses.


Cette enquête a-t-elle changé votre regard sur le monde du foot ?
Ce travail journalistique de trois ans m'a beaucoup appris sur la religion. Moi qui ne suis pas croyant, je me considérais comme un profond laïque. Finalement, j'étais plus un laïciste. J'avais un point de vue très tranché sur les questions d'ordre religieux dans l'espace public. Je me suis rendu compte qu'il y a des débats impossibles dans la société car on les interdit. Si l'on veut avoir un vrai échange, il faut de la communication et surtout de la connaissance. Quand l'AS Menorah, à Strasbourg, organise des matchs entre musulmans et juifs, ils se rendent compte que leurs pratiques sont très proches. Mais en interdisant le dialogue, on a tendance à cliver les gens les uns contre les autres. C'est dommage.
 
(*) Nicolas Vilas est journaliste à Ma Chaîne Sport et collabore à RMC, RFI et Eurosport.fr. 
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