Forum du Monde des Religions
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Arlitto
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Les Mythes et les Religions - Page 2 Empty Les Mythes et les Religions

Dim 22 Sep 2019 - 18:41
Rappel du premier message :

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Les Mythes et les Religions

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Une des figures la plus connue de la déesse de l’amour et de la guerre se retrouve chez l’Ishtar babylonienne.

 L’étude des textes anciens et les données archéologiques nous permettent sans aucun doute de l’assimiler à Inanna, une déesse sumérienne. Elle est connue pour ses nombreuses prouesses guerrières et son goût pour la violence. Elle contrebalance ce trait de caractère par un grand instinct maternel et un grand désir d’attraction. L’emprise qu’elle a sur les dieux, les hommes et les animaux est illustrée par son emblème qui est la chouette, oiseau nocturne de proie.

Isis. Quels noms pourrait-on donner à cette déesse guerrière dont le désir était sans fin ?

Mythologie perse : Anahita, Qadesh
Mythologie mésopotamienne : Ishtar et Inanna
Mythologie hourrite : Hébat, Shaushga
Mythologie hittite : Hannahanna
Mythologie phénicienne : Astarté, Qadesh, Ashtart, Anat, Atargatis, Shalim, Marie l’Egyptienne
Mythologie arabe : Allat
Mythologie égyptienne : Nephtys (Nebet-Hut), Anat, Qadesh, Marie l’Egyptienne
Mythologie grecque : Athéna, Aphrodite, Ariane, Erigoné
Mythologie nordique : Freya, Morrigane
Mythologie maya : Coyolxauhqui
Mythologie hindoue : Mahishâsuramardinî, Durga, Kali, , Saravastî
Mythologie juive : Oholiba
Mythologie chrétienne
 : Marie-Madeleine


Dans l’épopée de Gilgamesh, Ishtar est accusée de provoquer la mort journalière de son époux lion. L’emblème par excellence de cette déesse est le lion. La déesse en surmonte un dans de nombreuses représentations. Le lion est un symbole très régulièrement associé à Vénus. On qualifie Vénus dans de nombreux textes anciens, d’étoile du matin et d’étoile du soir.  Le soleil à son lever fait progressivement disparaître l’éclat de Vénus au matin, celle-ci ne réapparait qu’au soir sous le nom de l’étoile du soir. Ashtart est l’étoile du soir phénicienne, épouse d’Ashtar le dieu lion étoile du matin. Pour prouver que les 2 lions étoiles ne forment qu’un, en Egypte il existe le signe ‘kr qui est un hiéroglyphe où l’on voit les 2 lions soudés entre eux. Ces 2 lions sont le symbole par excellence du nouveau soleil Horus qui renaît en sortant de la colline primordiale. Ashtart est parfois représentée nue tenant des lotus qui sont ses attributs habituels. La déesse a un visage de lionne avec une coiffe hathorique. Dans les textes de Ras Shamra, Shalim est l’étoile du soir.  On raconte que Shahar et Shalim sont associées à la déesse solaire et l’aident à recueillir du venin de serpent pour dissiper les gros nuages qui planent sur Terre. Qadesh, déesse phénicienne, est représentée debout sur un lion dont l’emblème est une croix symbole de Vénus. La version arabe se retrouve chez Allat. Elle est laGrande déesse de la fécondité et la guerre. On la représente accompagnée d’un lion. On retrouve des vestiges liés à cette déesse à Palmyre. Elle apparaît sur des tessères, des stèles babyloniennes. On la représente souvent debout et armée, assise entre 2 lions ou parfois dressée sur un lion comme à Hatra. 


1) Qadesh au musée du Louvre, 2) double lion égyptien, 3) Durga grotte d'Ellora, 4) Allat temple de Baalshamin à Palmyre 5) Ishtar au British Museum 6) Mahishâsuramardinî grotte de Tamil Nad

Ces 2 lions sont assimilés parfois à des chats. En effet Freya, la déesse protectrice des passions de l’esprit et de la chair, conduit un char tiré par 2 chats. Seule Frigg la femme d’Odin la dépasse en beauté. Freya est une femme faucon (tout comme Horus) qui réside à Folkvang, le Champ-des-Armées. Elle parcourt les plaines où se sont entre-tués les guerriers. Elle peut emmener la moitié des morts aux combats, l’autre moitié est emmenée par Odin. Son mari l’a quitté pour voyager dans des pays lointains. Ainsi elle pleure sans cesse après lui. Nous voyons ici Freya comme une pleureuse divine, fonction qu’on retrouve également chez Nephtys (appelée aussi Nebet-Hut). C’est une déesse égyptienne qui aide Isis à reconstituer le corps d’Osiris et à l’embaumer. Les 2 déesses vont se transformer en êtres volants au-dessus de la dépouille pour la protéger jusqu’aux funérailles. Ce rôle funéraire est également associé à Hannahanna, la déesse hittite, reine des abeilles. Elle tente maladroitement de retrouver Telepinu en envoyant une abeille à sa recherche (son fils dieu de l’orage participe également). L’abeille doit piquer les pieds et les mains de Telepinu. Elle doit le mettre debout et le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] avec de la cire et enfin le ramener auprès d’Hannahanna.

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Nephtys dans la tombe Khabekhenit. Source : [url=[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] TOMBEAUX/LES HYPOGEES/VALLEE-DES-ARTISANS/tombe-khabekhenit.jpg][Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ... khenit.jpg[/url].

Marie-Madeleine est également une grande pleureuse. Un passage très intéressant d’elle se trouve en Luc 8:2 où on raconte que plusieurs femmes furent guéries d’esprits mauvais et de maladie : « Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens ». Ce passage fait référence aux 7 portes des enfers que doit passer Ishtar/Inanna. En Luc 7:38, on apprend qu’une pécheresse a arrosé les pieds de Jésus avec ses larmes. Il s’agit de Marie-Madeleine la pleureuse. Tout comme Marie et Marie-Madeleine sont au pied de Jésus lorsqu’il est sur la croix, Isis et Nephtys sont les pleureuses d’Osiris. La punition d’Ereshkigal (la reine du Kigal) envers Ishtar/Inanna a été la mort rituelle pour avoir causé la mort de son époux. Marie-Madeleine est également connue sous son nom de Marie l’Egyptienne. Des textes complémentaires à la Bible nous racontent une histoire  qui semble avoir pris naissance chez les Palestiniens au VIème siècle. Marie l’Egyptienne raconte à un ascète de 54 ans appelé Zosime, qu’elle est tombée dans la débauche et qu’elle a un mal fou à combler ses désirs. Elle a eu une multitude d’amants. Pour vaincre ses désirs, elle a vécu 17 ans dans un désert, avec pour seule nourriture 3 pains. A la fin de sa vie, Zosime découvre son corps près d’une rivière et il demande à un lion de creuser de ses griffes une fosse pour pouvoir l’y enterrer et finalement lui permettre le voyage aux enfers.

Un texte fort connu nous parle la descente d’Ishtar aux enfers. Ce texte fut découvert dans le temple de Ninive. C’est une version écourtée du texte appelé « la descente aux enfers d’Inanna ». Cette déesse décide de se rendre aux enfers, dans le royaume d’Ereshkigal la reine des enfers, pour retrouver son époux Tammuz et le réssusciter. Ishtar descendra aux enfers en passant par 7 portes. Elle est obligée de se dévêtir progressivement en passant les différents niveaux. Il s’agit d’un rite visant à la déesse de s’absoudre de ses pêchés (les 7 péchés capitaux). Au terme de cette descente, Ishtar meurt ce qui provoque l’arrêt des accouplements des hommes et des animaux sur terre. Elle recherchait chaque année son époux aux enfers. On célébrait un mariage sacré entre ces 2 époux. Cette mort provoquée par une autre déesse est la même pour Ariane, fille de Minos le taureau roi des enfers. Ariane est tuée de manière violente par Artémis sous l’investigation de Dionysos. Celui-ci était en fait jaloux de Thésée car il a été l’amant d’Ariane. Elle est la déesse de la croissance printanière. Elle se pend au platane, arbre qu’il lui est consacré, tout comme Odin et également Erigoné qui se pend à un pin. Pour séduire Dionysos, Erigoné se transforme en grappe de raisin. Apprenant la mort de son père, elle se pend de désespoir. Le but est de redonner vie à la végétation. La mort de cette déesse pendue à l’arbre signifie qu’elle meurt et descend aux enfers avant de remonter au printemps.
Le désir charnel et les infidélités qui en découlent font partie intégrante de la déesse grecque Aphrodite. Elle est mariée à Héphaïstos, ce qui ne l’empêche pas de vivre de très nombreuses aventures avec d’autres dieux. L’adultère d’Aphrodite avec Arès (le dieu de la guerre grecque) est révélé par le dieu Hélios, qui sera maudit (ainsi que sa descendance) par la déesse. Héphaistos finira par pardonner les infidélités d’Aphrodite. Celle-ci est également la patronne de la prostitution sacrée. Comme les filles du roi de Chypre refusent de l’honorer, elle les pousse à la prostitution. On célébrait celle-ci notamment à Aphaca qui est l’un des sanctuaires les plus célèbres de Phénitie (à une journée de marche de Byblos). Ce site comprenait un temple renommé d’Aphrodite-Astarté en principe fondé par Kinyras, roi de Chypre. Le site était célèbre pour ses rites de prostitution sacrée. Astarté est la souverraine céleste en Phénicie qui se serait éprise de son gardien divin Kombabos.

Ishtar est également considérée notamment comme l’épouse d’An (la particule AN signifie ciel). On l’appelle justement « la Reine du ciel ». C’est probablement la raison pour laquelle beaucoup de noms de la déesse contiennent cette particule. La déesse reine du ciel et de la terre pour les Hourrites est Hébat (Hépat).Celle-ci est une déesse hourrite femme de Teshub. Ils ont pour fils Sarruma, dieu de l’orage. Hébat est appelée la déesse solaire de la cité d’Arinna. Dans le sanctuaire de Yazĭlĭkaya (à côté de Boǧazköi), on représente Hébat au côté de l’aigle bicéphale. Anat (Hanat), une déesse phénicienne porte aussi un nom similaire : « la maitresse des cieux élevés ». C’est une déesse guerrière qui est la maitresse des aigles parmi lesquels elle plane. Ce caractère la probablement suivie en Grèce où elle est devenue Athéna et cela explique pourquoi son attribut est la chouette, un autre rapace mais cette fois-ci nocturne. L’aigle tient souvent dans son bec un serpent. Ce serpent lui confère l’immortalité qu’il tient dans son bec ou dans ses serres. Le serpent est bien le symbole de l’immortalité qui permet de guérir et on le retrouve dans le caducée de la médecine. Le culte d’Anat était répandu en Syrie et en Palestine mais également en Egypte. Elle persiste jusqu’à l’époque hellénistique dans certains milieux phéniciens. Au début du VIIe siècle, elle n’est vénérée qu’avec certitude à Chypre. La rivalité d’Anat et du dieu Yam n’est qu’une autre version de la lutte entre Athéna et Poséïdon. Le texte bilingue de Lapéthos découvert sur un talon de lance dans un sanctuaire d’Athéna à Idalion prouve qu’Anat et Athéna étaient confondus.

Athéna est également une déesse de l’amour et de la guerre. Elle est représentée debout, le casque en tête, le bouclier dans la main gauche et le bras droit qui brandit une lance. Athéna est connue par sa naissance toute particulière. On raconte que Zeus après avoir avalé Métis sur le point d’accoucher, souffre d’une terrible mal de tête et qu’Héphaïstos lui fend le crâne avec une hache. Il en sort Athéna vêtue d’une armure, d’un casque et prête au combat. On la considère comme la déesse du tissage. Ce rôle est également attribué à la déesse aztèque Coyolxauhqui. Elle est la déesse guerrière sœur de Huitzilopochtli qui a poussé ses frères à décapiter sa mère. Huitzilopochtli sort armé du ventre de sa mère et tue ses frères, sa sœur et tout ceux qui avaient comploté contre sa mère. Cette naissance est céleste et identique pour la déesse guerrière hindoue appelée KaliCelle-cisort du front de Durga. Selon le texte Devi-Mahatmya, lors du combat contre Canda et Munda, la déesse Durga qui est assise sur un lion au sommet de l’Himâlaya est tellement en colère que sont teint devient noir et de son front jaillit Kâlî au visage terrible armé d’une épée et d’un lasso. Elle tient à la main un bâton multicolore, orné d’une multitude de crânes. Elle est vêtue d’une peau de lion. Elle est horrible à voir. Elle détruit énormément de démons, d’éléphants, et de chevaux qu’elle avale et déchire à belle dent. Tout comme Athéna, Saravastî sort du front de Bhrama. Elle est considérée comme l’épouse de Brahma. On la réprésente souvent avec le livre pustaka qui contient les formules du Sacrifice. Parmi ses attributs on retrouve notamment la fleur de lotus (padma). Les montures ou véhicules sont un lion, un oiseau l’anser qui est un oiseau aquatique et la monture de Brahma, le bélier ou le paon. Elle porte parfois une calotte crânienne appelée Kapäla. Certains textes remplacent Bhrama par Vishnou ou par Krishna.

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Athéna - Musée du Vatican. 

La fleur de Lotus semble être un symbole souvent associé à la déesse de l’amour et de la guerre. Lors de la rédaction de cet article, il me semblait que Lakshmi correspondait à l’archétype de la déesse de l’amour et de la guerre, néanmoins plusieurs raisons m’amènent à refuser aujourd’hui cette hypothèse. Je laisse l’ensemble des arguments qui m’avaient amené à tord à cette conclusion : « Lakshmi est une déesse hindoue, femme de Vishnu. D’après la Praçnottaramâlâ, ce sont des fleurs de lotus qui soutiennent Vishnu. Lorsque cette déesse a 2 bras, on la représente avec 2 lotus ou un lotus et un fruit. On a représenté cette déesse également entre 2 éléphants qui l’aspergent. Cette déesse est également vénérée en Indonésie. A Bali, un mythe raconte que Lakshmi à dû se soumettre à l’amour de Vishnou et elle en serait morte. Le riz est alors surgi de son nombril, après que son corps ait été enterré. Un autre partenaire sexuel de cette déesse est Agni Jatavedas (Agni est justement une image d’Horus, le fils d’Osiris). Cette déesse est également associée à Indra le roi des dieux, qui est le dieu responsable des orages et de la pluie. » 


En effet aujourd’hui, Lakshmi apparaît à mes yeux comme une divinité distincte. Le principal argument est qu’elle est plus considérée comme la mère de l’humanité et des dieux. Ce rôle ne semble pas être associé généralement à la déesse de l’amour et de la guerre.

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Lakshmi, la déesse hindoue au lotus. Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Qadesh également associée au lotus semble quant à elle davantage caractériser la déesse de l’amour. Elle est une déesse (d’origine perse introduite en Egypte) qui symbolise la volupté et le désir charnel. On la représente nue et souvent sur un lion. Elle tient dans ses mains à la fois des serpents et des lotus, attributs de l’érotisme. Le serpent qu’elle peut offrir symbolise l’immortalité confèrée au dieu qui partagera sa couche. Les serpents sont le symbole par excellence de l’immortalité par leur renouvellement de la peau. Les fleurs de lotus symbolisent la vie renouvelée.

La déesse de l’amour et de la guerre est célèbre par sa beauté légendaire qui rendit fou beaucoup d’hommes. L’Anat perse appelé Anahita est d’une envoutante beauté. Dans les textes, les adjectifs pour la qualifier sont les suivants : puissante, brillante, de taille élevée, majestueuse, jeune fille, belle, à la large ceinture, à la taille élancée, noble par son visage brillant, ornée d’un brillant diadème d’or, ornée d’un manteau du plus séduisant aspect couverts d’ornements d’or. On retrouve encore dans sa représentation une association au lion. Cette divinité fut propagée au Proche-Orient par les prêtres zoroastriens. Anahita est assimilée à Nana, unedéesse d’origine suméro-akkadienne, qui est également représente flanquée de son lion. Elle fut adoptée par les peuples de Sogdiane. Toutes les déesses abordées plus haut sont toutes d’une beauté prodigieuse.

Au terme de cette étude, nous pouvons retracer une histoire autour de la déesse de l’amour et de la guerre. Celle-ci naîtra sous la forme de l’Athéna guerrière et représentée par l’astre Vénus colérique. Pendant une bonne partie de sa vie, la déesse de l’amour et de la guerre vivra dans la douleur du désir inassouvi, et d’un besoin constant de reconnaissance envers ses pères (An et Seth). Cette soif l’amènera probablement à étendre son influence et entrera en guerre contre d’autres dieux. Ce besoin d’attention se répercutera dans les très nombreux temples construits en son honneur de par le monde. Elle s’éprendra du dieu de la sagesse, de l’agriculture, de l’eau. Ce dieu est alors intiment lié à la déesse des enfers Ereshkigal appelée également Isis, Artémis,…L’union qui en découlera provoquera la mort du dieu et Ishtar devra subir le rituel aux enfers afin de s’absoudre de ces pêchés. Isis et Nephtys (Marie et Marie-Madeleine) seront les 2 grandes pleureuses du dieu mort qui seront gardiennes du corps d’Osiris. Horus naîtra et Nephtys deviendra sa nourrice mais également sa maîtresse. La disparition du taureau soleil survenue au moment de l’apparition de la lionne vénusienne le soir sera une image de ce qu’aura été le couple Enki avec la déesse de l’amour et de la guerre : un instant éphémère.

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Dim 22 Sep 2019 - 18:57
Dionysos et sa résurrection

Une des plus énigmatique figures grecques est le dieu Dionysos. C’est un dieu de la vigne mort et ressuscité tout comme Osiris, Jésus, Quetzalcoatl et encore beaucoup d’autres divinités. Nous allons étudier dans cet article les nombreux noms de cette divinité et son importance…


Une des plus énigmatique figures grecques est le dieu Dionysos. C’est un dieu de la vigne mort et ressuscité tout comme Osiris, Jésus, Quetzalcoatl et encore beaucoup d’autres divinités. Il a pour origine Thrace situé dans la partie la plus au nord de la Grèce ou Phrygie, ancien pays situé dans la partie occidentale de l’Anatolie (approximativement le territoire de la Turquie actuelle). Il s’agit d’une divinité très archaïque. On a découvert le nom Dionysos dans des inscriptions mycéniennes. Mycènes est une cité très ancienne située au sud-ouest de la Grèce, qui doit sa célébrité à ses découvertes archéologiques. L’hypothèse de la propagation de cette figure d’origine phrygienne en Grèce s’explique facilement par les colonisations en provenance de l’Anatolie occidentale.


L’étude de Dionysos nous as permis de constater que ses appellations son variées et correspondent notamment à Zagreus (Zagréos) du Mont Ida et à Zeus Crétagénès du mont Dicté en Crète. Nous retrouvons aussi Sabazios une divinité originaire de Phrygie et de Thrace, Bacchos (Bacchus) le dieu grec du vin, Iakkos (Iacchos) fils de Zeus et de Jupiter. On peut considérer que Dionysos a progressivement intégré divers nouveaux aspects au cours du temps. Cette particularité est très fréquemment rencontrée dans le domaine des mythes et des religions.

La figure la plus ancienne de Dionysos est Zagreus qui a pour origine la Crète ou probablement la mer Egée. On considère qu’il est le fils de Zeus et de Perséphone, déesse des enfers. Pour échapper à la jalousie d’Héra, Zagreus se change successivement en chèvre, en lion, en cheval, en serpent, en tigre et en taureau. Il s’agit de quasi tous les attributs dont on a parlé dans l’article intitulé : «  Enki est ses nombreux noms dans les mythes et les religions ».  Un autre Dionysos est Zabazios. On le considérait comme fils de Cronos et de Cybèle. Il était le dieu de l’orge qui donna aux hommes une sorte de bière. Une autre divinité associée à Dionysos est Bacchos, le dieu du vin. Cette divinité est l’image la plus récente du dieu Dionysos.
Un des grandes caractéristiques de Dionysos est la résurrection. Sous la forme du taureau, Zagreus va être mangé par les Titans. Apollon va enterrer ses restes. Son cœur va être confié par Athéna à Zeus qui va l’avaler et ainsi donner naissance à Dionysos. Zagreus est lui aussi un mangeur de chair crue. Ce cannibalisme est lié aux sacrifices humains. Pour Zagreus on réalisait un sacrifice annuel en Crète d’un jeune enfant qu’on remplaçait par Minos le roi-Taureau. Dans ce rite, cet enfant dansait en imitant la chèvre, le cheval, le serpent et le veau. On le sacrifiait ensuite et on mangeait sa chair sans la faire cuire. Le culte du taureau mort et ressuscité est à lier au dieu Apis, une figure du dieu Osiris. Le sacrifice humain est également une action réalisée à l’encontre de rois dans plusieurs anciens rites du monde. Ce sacrifice avait lieu lorsque le roi ne pouvait plus assumer certains pouvoirs. Citons comme exemple l’histoire de Lycurgue, roi de Lydie (ancien pays situé à l’ouest de la Turquie actuelle), qui fut déchiqueté sur le mont Pangée par des chevaux sauvages sur ordre de Dionysos. Les Lydiens lui avaient demandé d’arrêter la sécheresse. La réalisation des sacrifices est une pratique mondiale et est en rapport évident avec la renaissance et la croissance de la végétation. La résurrection de Dionysos est liée à la renaissance de la vie et de la nature notamment par le rythme des saisons.

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Minos, le taureau roi de Crètes et des enfers. 

La symbolique la plus utilisée pour représenter la mort et la renaissance de Dionysos tourne autour de la végétation. On l’associe très souvent à la vigne (et au vin) mais également au figuier, au myrte, au lierre, à la grenade et au pin. Dans la légende grecque Sémélé est la mère de Dionysos et elle meurt brulée par les flammes (ses autres noms sont notamment Thyoné, Sémélô la déesse phrygienne de la Terre, et Diôné l’épouse de Zeus à Dodone). Le fœtus de Sémélé ne meurt pas car un lierre s’était venu s’intercaler entre lui et le feu céleste. Zeus le récupéra et le plaça dans sa cuisse. Ainsi Dionysos est 2 fois né. Les Titans sous les ordres d’Héra vont le découper en morceaux. Du sang surgit un arbre le grenadier. Rhéa sa grand-mère va reconstituer son corps tout comme Isis l’a fait avec Osiris. Dionysos est également qualifié d’Iakkhos dont l’équivalent latin est Liber. Ce nom signifie écorce d’arbre en latin et également un nom botanique utilisé pour désigner la partie interne et vivante de l’écorce de l’arbre. Dionysos est associé à la vigne et au lierre, des plantes qui ont besoin d’un support pour se former. Le lierre qui est la plante favorite de Dionysos s’enlace contre l’arbre de la même manière que le serpent s’enroule autour du bâton d’Asclépios (dieu grec de la médecine). Dionysos est souvent appelé le « Couronné de lierre ». Les autres dieux consacrés au lierre sont : Perkunas, dieu de la foudre lituanien et Donar dieu du tonnerre germain fils de Jord, la Terre. On peut considérer que c’est le contact de la foudre et de la terre qui a donné le lierre.

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Statue d'Asclépios, le dieu de la médecine grecque. 

Dans la mythologie grecque, on raconte que Dionysos révélera les propriétés enivrantes de la vigne à Icarios, qui l’accueillit chaleureusement sur son île. Celui-ci transmet ses connaissances à des bergers qui se crurent ensorcelés et a pour conséquence qu’Icarios est massacré sous les yeux de sa chienne Maéra et enterré sous un pin (arbre consacré à Dionysos). Erigoné, la mère d’Icarios se pendit à un pin après avoir découvert son cadavre et le chien d’Icarios se jeta dans un puit. (Ariane fut également pendue, sous un platane et par Artémis). Les assassins d’Icarios furent recherchés à la demande d’Erigoné, retrouvés et aussitôt pendus. D’après moi, cette histoire est un récit analogue à la mort d’Osiris. Nous retrouvons notamment une image de la déesse Ninanna qui meurt et descend aux enfers et du chien gardien des enfers grec Cerbère ou Anubis le chien à l’avant de la barque solaire d’Osiris. Icarios est très proche du célèbre Icare. L’histoire de ce personnage est également imprégnée d’une descente aux enfers. En effet, Icare et son père Dédale sont prisonniers d’un labyrinthe de Minos (un royaume souterrain analogue au royaume des morts du taureau Osiris). Dédale fabriqua des ailes à Icare avec des plumes et de la cire, mais il lui recommanda également de ne pas trop s’approcher du soleil. Celui-ci fait fondre la cire et Icare tombe dans la mer victime de sa folie des grandeurs et de son orgueil. Il s’agit probablement d’une métaphore pour expliquer la mort d’un être céleste disparaissant à l’horizon et qui s’enfonce finalement vers les enfers.

Pourquoi associe-t-on la vigne à Dionysos ? Le vin est une boisson dont la quantité de sucre dépend fortement du soleil. Le vin relibère ainsi l’ardeur solaire captée durant l’été et symbolisée par le taureau solaire. On considère le vin comme le sang des morts car il correspond à la sève, au sang de la vigne qui est en repos en hiver. Le vin est la sève de la vigne qui continue à vivre et à fermenter à l’abri de la lumière dans des tonneaux, image de Dionysos qui meurt et descend dans l’obscurité des enfers. Quand le vin a fermenté, il peut être libéré au printemps et cela correspond à la naissance de Dionysos. Le retour de la vie au printemps est symbolisé également par le pollen. La propagation de celui-ci a pour réputation d’être la plus spectaculaire pour la vigne et le pin, qui sont justement les attributs de Dionysos.


Pour compléter cette description à propos de Dionysos, nous pouvons remarquer que cette divinité est proche des déesses. Lorsqu’il est encore enfant, il est coupé de sa mère. Son éducation est donnée par les Hyades sur un montagne boisée (le mon Dicté pour Zeus Crétagénès) ou par les Courètes (Corybantes) et les Hyades sur le mont Ida ou l’Hélicon pour Dionysos-Zagreus. Dionysos est également très efféminé. En effet, Zeus ordonne à Hermès de confier Dionysos à sa tante Ino (tante maternelle) et de l’élever comme une fille. On peut expliquer cette particularité par le fait que Dionysos est un dieu fort proche des anciennes croyances païennes qui considèrent le féminin comme sacré. Dionysos signifie fils de Nysa, nom d’un mont mystérieux mais également d’une nymphe qui reçut l’enfant d’Hermès et qui le nourrit de miel, nourriture divine. Ne faut-il pas voir dans la figure d’Hermès l’ange Gabriel (Thot pour les Egyptiens) qui permet à Marie d’enfanter Jésus ? Le mythe de Dionysos et l’importance du vin est liée à ce qu’on peut connaître dans la figure de Jésus mort et ressuscité dans une grotte. Le corps de Zagreus va être démembré tout comme celui d’Osiris avant d’être reformé et d’ainsi renaître et permettre le renouveau de la nature. Le symbole de la résurrection est incontestablement lié à l’arbre et au renouveau de la végétation au printemps ; cette symbolique s’est répandue ainsi dans toutes les mythologies du monde.

Sources bibliographiques
- AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni.
- BROSSE J., 2001. Mythologie des arbres. Editions Payot et Rivages, Paris VIème.
- FERRE J., 2003. Dictionnaire des mythes et des symboles. Editions du rocher.
- LIPINSKI E., 1995. Dieux et déesse de l’univers phénicien et punique. Peeters, Louvain, Belgique.
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Dim 22 Sep 2019 - 18:59
Les abeilles, symboles d’une résurrection et d’une immaculée conception

Les abeilles sont quasi les seuls insectes aux vertus divines répandues dans les mythes et religions du monde. Cet article a pour but d’initier l’étude de ces insectes et de tenter de découvrir pourquoi les abeilles sont sacrées dans les mythes et les religions. La principale qualité de l’abeille concerne le don de produire le miel qui est un ingrédient divin. Les vertus thérapeutiques, aseptiques, nutritives en ont fait un des aliments de référence dans les anciennes civilisations. Outre cet aspect il existe certains mythes très particuliers qui mettent en avant la mort d’un taureau ou d’un lion et le symbole de l’abeille pour les déesses vierges et pour représenter un acte de procréation. Ne ditons pas « La lune de miel » car elle évoque l’union des jeunes mariés et la fécondité ? Etymologiquement le mot apiculteur dérive du latin apicula et du diminutif Apis (bœuf égyptien sacrifié). Etonnant quand on sait que bons nombres de mythes font naître les abeilles du corps d’un bœuf sacrifié.


Le miel est très nutritif. Sa composition en glucose et fructose le rend très énergétique. Il est encore très souvent recommandé pour des affections laryngées. Le miel est également un ancien conservateur. Avant d’être brulé, le corps de Patrocle (ami d’Achille dans la mythologie grecque) est immunisé contre la pourriture grâce au nectar et à l’ambroisie dont les narines sont imbibées. La haute teneur en sucre du miel a pour effet de le rendre bactéricide. Il a ainsi des vertus aseptiques. Le miel aide également à la digestion grâce aux vertus de ces enzymes qu’il contient. Le miel est un aliment particulier car il est à la fois végétal et animal et ne produit pas de déjections (on n’en retrouve guère dans les ruches). Tout comme le lait il est une des références en tant qu’aliment naturel. Dans la bible, Yavhé dit en Exode 3:8 : « Je suis descendu pour le délivrer (en parlant du peuple des Juifs) de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel, vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizittes, des Hivites et des Jébuséens ». On peut comparer le miel au lait car ce sont tous les 2 des aliments produits par le corps. Ce sont des aliments spontanés. Le miel est un aliment animal et végétal qui ne produit pas d’effusion sanglante.

Nous rencontrons dans la Bible, à mon sens le passage le plus intéressant, dans l’histoire de Samson. Ce personnage né d’une femme stérile et annoncé par la venue d’un ange (on serait tenté de penser à Marie et à Jésus). Dans le livre des Juges (14:5 à 10), on apprend que Samson arrive avec ses parents près des vignes de Timna chez les Philistins. Il souhaite y voir une fille de Philistins avec qui il souhaiterait se marier. Un jeune lion rugissant vient à sa rencontre. Avec l’aide de Yavhé, Samson déchire le lion tel un chevreau. Du cadavre du lion, il découvre un essaim d’abeilles et du miel. A la suite de cet épisode, Samson lance une énigme aux Philistins : « De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux ». Les Philistins n’arrivent pas à résoudre l’énigme et sont obligés de pousser la future épouse de Samson à lui soutirer la résolution de l’énigme qui est la suivante : « Qu’y a-t-il de plus doux que le miel, et quoi de plus fort que le lion ». Ce passage a un grand intérêt dans la mort du lion et la naissance d’abeilles. Dans d’autres mythes tel que celui rencontré dans la version hittite, on nous parle de Telepinu, un dieu absent. L’abeille a pour rôle de le ramener auprès de Hannahanna (déesse assimilable à Inanna d’après moi, la déesse sumérienne de l’amour et de la guerre). L’abeille doit retrouver le dieu fugueur, le piquer aux pieds et aux mains, le mettre debout, le nettoyer et le purifier avec de la cire. Les piqures ont pour rôle de sortir le dieu de son sommeil en provoquant une vive douleur. Lorsque Telepinu se réveille, il est fou de rage et détruit tout sur Terre, tel le faucon vengeur et une figure bien connue dans la mythologie d’un astre perturbateur. On peut songer à la vue de ces 2 mythes qu’il y a une trame commune à ces 2 histoires.

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Peinture du Samson biblique par Paul Rubens. 

La confirmation de la mort d’un dieu taureau et la localisation du corps de celui-ci par des abeilles est également confirmée dans le mythe d’Aristée. Ce personnage est fils de la vierge Cyrène et d’Apollon. Il apprend dans son jeune âge, la médecine, l’élevage des troupeaux, la culture de la vigne par l’intermédiaire de Nymphes qui se sont chargées de son éducation. Outre ces connaissances, on le qualifie comme celui qui a réussit à élever les abeilles dans les ruches. On raconte qu’il fut punit pour avoir voulu abuser Eurydice. Cette punition le contraint à se séparer de ses abeilles et aura pour conséquence que l’humanité en perdra temporairement leurs bienfaits. Il obtiendra de nouveaux essaims en réalisant des sacrifices de taurillons et de génisses immolés non consommés et pourrissant au soleil. Nous pouvons nous  convaincre que la mort d’un dieu est étroitement liée aux abeilles, en étudiant le mythe de Glaucus.

Ce personnage, est un nom référencé plusieurs fois dans la mythologie grecque. Une des versions nous parle de la mort de Glaucus provoquée par Ajax et ressuscité par Asclépios, spécialiste de la médecine tout comme Aristée. Dans cette version, il est le fils de Minos, roi des enfers. On raconte qu’il s’est noyé dans une jarre de miel. Polyidos, le devin consulté retrouve le corps de Glaucus et il est enfermé avec lui dans un tombeau, tant qu’il n’aura pas réussi à lui redonner vie. Grâce à la plante d’un serpent, il réussit à le ressusciter et ils peuvent tous les deux ressortir du tombeau.

Les abeilles sont dotées de caractéristiques particulières qui leur permettent de les associer à des déesses. Sur le mont Ida en Phrygie, Cybèle est la Mère des dieux et la Reine des abeilles. Elle conçut son fils Attis après avoir cueilli la fleur d’amandier jaillie des organes mâles coupés d’Agdistis/Cybèle, qui est née à la fois mâle et femelle, et qui avait été castrée par les dieux. (Dans la Théogonie d’Hésiode, les Nymphes Méliennes sont également nées du sang des testicules d’Ouranos ; ce sont des nymphes du frêne). Quand Attis est devenu adulte, il veut se marier et Cybèle le rend fou par sa jalousie, si bien qu’il se castra et se tua. On considère Cybèle comme la Reine des abeilles et celà a une importante signification : lors du vol nuptial des abeilles, le mâle abandonne ses organes génitaux dans le corps de la femelle. Il se castre et meurt. La future reine est ainsi celle qui a provoqué la castration et la mort de celui avec qui elle s’est unie. Concernant les ouvrières, on peut les comparer à des déesses vierges qui seront à l’origine d’une immaculée conception. En effet, Les abeilles sont capables de se reproduire par parthénogenèse c’est-à-dire sans l’intervention de mâles, et ceci aboutit à la production de mâles qui sont uniquement là pour féconder la reine, pour leur donner des femelles. Les ouvrières sont d’excellentes représentantes pour les déesses vierges. Les abeilles symbolisent admirablement la résurrection car elles sont en repos en hiver et elles renaissent au printemps avec l’arbre qui leur sert de demeure. J’ai démontré dans les articles étudiant l’arbre des mythologies que l’arbre est un symbole par excellence de la résurrection. De nombreuses déesses sont considérées comme des arbres mourant et renaissant tels leurs fruits fermentés ou non ; ces arbres mourants voient leur sève en analogie descendre en hiver dans les racines et remonter au printemps pour redonner vie à la nature tel un dieu voyageant aux enfers et refaisant surface au printemps. Cet arbre sacré est le lieu d’habitation des abeilles tel l’Yggdrazil. Dans un mythe toujours hittite appelé « la disparition du feu », l’abeille, l’aigle et serpent doivent trouver le Feu disparu. Après y être parvenu, ils retrouvent leur lieu d’habitation : un arbre. L’aigle habite la partie supérieure du tronc de l’arbre, l’abeille la partie moyenne et le serpent la partie inférieure. Cette vision est conforme à celle de l’arbre Huluppu du mythe de « la descente aux enfers d’Inanna ».
Une très belle illustration des abeilles dans les mythes concerne la mythologie maya. Il serait amusant de considérer que l’inventeur de Maya l’abeille se serait inspiré d’une représentation maya pour son abeille. Nous retrouvons de nombreuses représentations de cet insecte dans le codex maya de Madrid conservé au Musée des Amériques de Madrid. Le dieu maya créateur et père des abeilles est Itzamnà. Il est également le dieu maya créateur de l’écriture, du calendrier, et de la médecine (encore et toujours les mêmes grandes caractéristiques). On le représente souvent sous les traits d’un vieillard. Son épouse est Ixchel, déesse de la lune. Une fois mariée, elle découvrit qu’elle était stérile (tout comme la mère de Samson) et un jour un cerf apparut et piétina son ventre qui lui permis d’avoir 4 fils les Bacabs. On peut considérer que le dieu du soleil Kinich Ahau comme une deuxième image d’Itzamnà et peut-être également de son fils qui lui permet de revivre. Ce dieu est le soleil lorsqu’il parcourt le ciel pendant la journée et il est un dieu des enfers la nuit.

En considérant ces mythes, nous pouvons retracer un fait qui est si souvent rencontré sous d’autres formes et d’autres symboles dans les mythes et les religions : la résurrection. En effet, un dieu taureau est sacrifié. Il s’agit plus précisément d’un bœuf. En effet de très nombreux mythes considèrent la mort d’un dieu (universel) après sa castration et causée par l’union avec la déesse de l’amour et de la guerre. Son corps est dépecé et reformé avant de donner naissance à un dieu solaire qui est sa réincarnation. Ce personnage mort et ressuscité a un lien très fort avec les abeilles. D’où l’importance de l’abeille pour les divinités ou personnages suivants : Télépinu, Apis, Samson,  Ak-Mucen-Kab, Itzamnà, Aristée, Bacchus. Les abeilles sont celles qui retrouvent son corps et qui symbolisent sa renaissance par le miel, ingrédient de l’hydromel qui est la boisson source d’immortalité des dieux. La divinité qui renaît sera dans un premier temps colérique est bien illustrée par Horus ou Télépinu. La mort et la renaissance solaire est bien représentée par le célèbre Icare. Pour quitter le labyrinthe de Minos, il s’envole avec des ailes qu’il a pu coller grâce à de la cire d’abeilles. En montant trop près du soleil elle fond et Icare plonge et meurt dans la mer… Espérons que le mal qui touche les abeilles à l’heure actuelle, soient une image de leur propre renaissance.

Sources bibliographiques
- AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni.
- BAILEY G., CARDEN M., CLARKE P. & al., 2006. Mythologie : mythes et légendes du monde entier. Ed. de Lodi, Paris.
- BROSSE J., 2001. Mythologie des arbres. Editions Payot et Rivages, Paris VIème.
- MAZOYER M., 2003. Télépinu, le dieu au marécage : essai sur les mythes fondateurs du royaume hittite. KUBABA, Paris.
- TETART G., 2004. Le sang des fleurs : une anthropologie de l’abeille et du miel. Odile Jacob, Paris. 284 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 18:59
La symbolique du loup et du chien dans les mythologies


Plusieurs dieux appartenant au même clan ont été représentés sous la forme d’un chien/loup. La figure la plus connue est Anubis, le dieu égyptien embaumeur, gardien des enfers. Comme toujours d’autres dieux de mythologies différentes ont rempli cette fonction. Découvrons quelles sont les autres caractéristiques des dieux chiens/loups…


Le loup est un animal qui a longtemps été associé à la mort dans les mythes du monde. Il inspire crainte mais également respect. Son régime alimentaire a contribué à lui donner une place importante dans certains textes apocalyptiques où la gueule ouverte il détruit les astres ou des divinités. Son terrier, habitat souterrain, a également contribué à en faire une figure de gardien des enfers. Le loup n’est jamais seul et la meute est une image synthétisant bien la hiérarchie que l’on peut retrouver dans certains groupes divins, c’est-à-dire un loup et une louve dominants et leur descendance.

Une prophétie nordique annonçait la destruction du monde par le terrible loup Fenrir. Ce loup, fils de Loki croît quotidiennement d’une manière prodigieuse. Les dieux vont lui fabriquer plusieurs chaînes (appelées Leiding, Dromi) qu’il brise très facilement pour retrouver sa liberté. Les Nains sont dès lors chargés de fabriquer la chaîne Gleipnir. Par sécurité, la chaîne Gelgja, est également utilisée et passée au travers d’un grand rocher nommé Gjol. On pourrait se demander si cet enchaînement n’a pas un lien de parenté avec celui de Prométhée, qui fut attaché à un rocher sur le mont Caucase. Au Ragnarök, la fin des temps nordique, la gueule de Fenrir est grande ouverte. Sa mâchoire inférieure touche la terre tandis que sa mâchoire supérieure touche le ciel. La destruction apocalyptique d’un loup existe également dans la figure du loup Skoll qui poursuit la gueule grande ouverte la déesse du soleil Sol. Celle-ci mourra mais donnera naissance à un nouveau soleil. Le frère de Skoll appelé Hati poursuit, quant à lui, la lune. Tous ces mythes rejoignent la vision que l’on peut avoir du Déluge provoqué par « l’œil du son » égyptien qui a détruit l’A’amenptah, la fameuse Atlantide dont parle Platon. En effet, la croissance quotidienne d’un astre peut être comparée à la croissance de ce loup qui provoque destruction, chaos et morts sur Terre. La chaine chargée de maintenir la trajectoire de cet astre aura été rompue ce qui aura provoqué de terribles bouleversements sur Terre, notamment la disparition du soleil mais heureusement il renaît toujours.

Outre la destruction cataclysmique qu’il provoque, le loup est un gardien des enfers dans de très nombreuses mythologies. Anubis, le dieu embaumeur d’Osiris, est une des figures les plus connues. Un de ses autres noms égyptiens est Upuaut (prononcé Oupouaout). Celui-ci est un dieu à tête de loup invoqué par les Egyptiens pour guider le soleil pendant son séjour nocturne.  Il est appelé « le frayeur des chemins qui guide la barque de Rê ». Il guide le souverain dans le royaume des morts et également les guerriers en territoires ennemis. Comme toujours nous retrouvons facilement un dieu similaire chez les Mayas. Il est appelé Xolotl. C’est un dieu et un chien jaune. A la mort du 4ème soleil, Quetzalcoatl (le serpent à plumes maya) est chargé de créer une nouvelle rac. d’êtres humains. Xolotl, son frère jumeau, l’accompagne vers Mictlan le monde des morts pour rassembler les ossements des hommes tués par le déluge. L’accompagnement d’un dieu par un loup dans sa barque solaire est également rencontré dans les textes mésopotamiens. En effet, dans le texte « Enki au pays des morts », il est dit que les flots se brisent comme un loup dévorant sur la proue du bateau. Une vision déformée de ce chien gardien des enfers se retrouve dans la mythologie grecque chez Cerbère. Ce chien d’Hadès a 3 têtes. Cerbère est enchaîné à l’entrée des enfers. Il terrorise les morts et ceux-ci doivent l’apaiser en lui offrant des gâteaux de miel. On retrouve toujours ce chien gardien des enfers dans d’anciennes croyances des Caraïbes : Opiel Guabiron est un demi-chien de la mythologie des Caraïbes, mi-homme qui garde le royaume des enfers au niveau de la porte de Coabey.



Cette vision de l’âme d’un dieu voyageant, telle la barque solaire d’Horus, nous amène à retrouver la mort d’un dieu d’une grande importance et le rôle de loups/chiens dans sa mort et dans l’accompagnement de son âme dans l’au-delà. Un des qualificatifs d’Odin est « loup de combat » dans la mythologie nordique. Le dieu était une embarcation qui faisait passer les bons du connu à l’inconnu. Ceux qui passaient la gueule du loup entraient dans le Walhall, royaume des morts. Odin est mort tué par le loup Fenrir, nous laissant penser que sa disparition est survenue lors du cataclysme provoqué par un astre errant. Il ne faut voir ce loup géant comme la cause de sa mort mais plutôt une conséquence de l’union avec la déesse de la guerre et de l’amour et l’assassinat par son frère ou son fils selon les mythes. Cette mort se retrouve dans celle d’Actéon. Celui-ci a été transformé par Artémis en cerf avant d’être tué par une meute de 50 chiens appartenant à la déesse (Diane dans la mythologie romaine). Cuchulainn est un héro irlandais qualifié de chien dans les textes. Son nom signifie « chien de Culann ». En Irlande, on ne donne pas de nom au loup (Chu), on le qualifie de « chien sauvage » (D’arbois de Jubainville, 1904). Dans certaines versions de son histoire, Cuchulainn refuse les avances de Morrigane, déesse celtique de la guerre. En conséquence, il meurt sous les traits d’un taureau blanc lors d’une terrible bataille, terrassé par le taureau brun Donn. Dans certaines versions, Cuchulain meurt empoisonné pour avoir mangé de la viande de chien. Dans la mythologie hindoue, Vŗtra est un dieu loup tué par son adversaire Indra. Il fut transpercé, démembré et il renaît tel un nouveau soleil. Sa renaissance est alors annoncée par le renouveau de la nature.

«  Lui dont les pouvoirs magiques
Détournent de la terre les bienfaisantes pluies,
Ennemi attaché à perdre les humains,
Disputant le pouvoir à la rac. divine,
Lui dont l’armée de démons à toujours
Livré au dieu Indra une guerre incessante,
Lui qui fut tant de fois écrasé, massacré,
Renaît toujours nouveau, et inlassablement
Recommence à la lutte où il perdra la vie. »

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Anubis l’embaumeur, tombe de Nebenmâat. 

Le loup n’agit pas seul. En meute, il est d’autant plus à craindre. Dans le livre IV d’Enoch, il est dit que des loups persécutent des brebis ainsi que leurs enfants. Ces loups les poursuivent de toutes leurs forces jusqu’à ce que le Seigneur descende auprès des brebis pour les secourir et les conduire vers un autre pays. Les brebis fuient jusqu’à une mer que le Seigneur va couper en 2 avant qu’elle ne se referme sur les loups. Ce passage très intéressant est très clairement une autre version du passage de la mer Rouge par les Juifs. Les égyptiens non juifs qui les poursuivent sont donc des loups. Il n’est pas étonnant de les considérer comme tels lorsqu’on sait que les suivants d’Osiris appelés Shemsu sont des loups. D’ailleurs Khentamentiu, un dieu assimilable à Osiris dont le nom signifie « le premier des Occidentaux » provient de l’A’amenptah. C’est un dieu loup représenté sous la forme d’un chien noir.

Voilà encore un thème qui nous emmène sur la trace de la mort d’un dieu créateur ayant pris la peau du chien/loup. Nous nous retrouvons encore et toujours face à une histoire unique, qui a façonné toutes les croyances du monde. Lors d’un terrible bouleversement céleste, le dieu loup sera tué par des membres de sa famille, par des loups appartenant à sa meute probablement comme conséquence de s’être uni, à regrets par la suite, avec la déesse de l’amour et de la guerre. A sa mort, un chien gardien de son royaume souterrain, le soutiendra dans son voyage dans l’au-delà. Cet évènement qui a marqué tous les mythologies du monde nous parle d’un grand cataclysme provoqué par un astre céleste. Nous pouvons considérer celui-ci comme le symbole de son retour sur Terre…

Sources bibliographiques
-  AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni. 320 p.
-  BAILEY G., CARDEN M., CLARKE P. & al., 2006. Mythologie : mythes et légendes du monde entier. Ed. de Lodi, Paris.
-  BROSSE J., 2001. Mythologie des arbres. Editions Payot et Rivages, Paris VIème.
-  BOBBE S., 2002. L’ours et le loup : essai d’anthropologie symbolique. Éditions Quae. 258 p.
-  D’ARBOIS DE JUBAINVILLE H., 1904. Les dieux celtiques à forme d’animaux. Comptes-rendus des séances de l’année. Académie des inscriptions et belles-lettres. Volume 48, Numéro 3. pp. 365-372.
-  PARKS A., 2007. Les chroniques du Gírkù. Ádam Genesis. Editions Nouvelle Terre.
-  WILKINS W. J., 2006. Mythologie hindoue, védique et pouranique. L’Harmattan. 398 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:00
Le mythe de Nahusha

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Le mythe de Nahusha est un mythe majeur pour découvrir l’histoire qui a suivi la mort de Vŗtra (Osiris), tué par Indra (Seth).

Le mythe hindou de Nahusha nous fournit de précieuses informations sur la période qui a suivi la mort du Créateur de l’humanité. Ce mythe nous raconte comment Nahusha devient le nouveau roi des dieux en prenant la place du dieu Indra rendu responsable de la mort du dieu Vŗtra (Vritra). L’histoire de Nahusha comprend des similitudes intéressantes avec le roi grec Salmonée, avec le roi grec Ixion, avec le dieu égyptien Râ, et encore beaucoup d’autres personnages. Les facettes de ce dieu que l’on trouve dans de très nombreuses mythologies à travers le monde feront l’objet d’un article ultérieurement, tant ses visages sont variés et complexes à décrire dans un seul article. Le mythe de Nahusha est raconté plus d’une fois dans le Mahâbhârata (considéré comme le plus long poème du monde).

Le mythe de Nahusha débute par la mort au crépuscule du Créateur Vŗtra, qui est transpercé, démembré, écrasé par le roi des dieux Indra, divinité du tonnerre et de l’éclair tel le Zeus grec. Touché par les remords, Indra s’enfuit sous les eaux et reste introuvable. Le monde est touché par la sécheresse et 3 grands mondes n’on plus aucun souverrain pour les diriger. Les ŗshis souhaitent que le lumineux et glorieux Nahusha devienne le nouveau Indra. Il refuse dans un premier temps, et change d’avis par la suite. Brahmâ lui donne dès lors un pouvoir très puissant : celui de priver de tout pouvoir celui qui pose les yeux sur lui. Il abandonne très vite ses valeurs justes et vertueuses pour s’adonner aux plaisirs, à la chasse, aux dés et aux femmes.

Un jour, Nahusha aperçoit Çaci, la belle épouse d’Indra et il désire en faire sa femme pour jouïr de tous les droits (tout comme Ixion tentera de séduire dans la mythologie grecque la reine des dieux Héra, femme de Zeus).  Cet évènement sera sa plus grande erreur. Çaci trouve refuge dans la demeure de Bŗhaspati, le guide spirtituel des devas, qui rassure la déesse et qui lui promet qu’on retrouvera son époux Indra. Les dieux du ciel tentent de calmer la colère de Nahusha. Ils lui expliquent qu’il ne faut pas suivre l’exemple d’Indra qui a eu de très nombreuses épouses. Malgré tout Nahusha ordonne qu’on lui livre Indranî (autre nom de Çaci). L’hôte qui l’a accueillie refuse de la livrer. Indranî demande un délai pour qu’elle puisse retrouver son époux. Elle part à sa recherche et le voit en Himayala. Elle lui explique toute l’histoire depuis sa disparition et lui demande d’assumer sa place de souverrain des dieux : « lève-toi et chasse ton rival, montre ta force, ô destructeur des fils de Diti et de Danu, obtiens ta puissance et sois souverrain des dieux ».

Indra considère Nahusha fort dangereux depuis que les ŗshis lui ont accordé une grande puisssance. Indra décide donc d’un stratagème. Indranî accepte de devenir l’épouse de Nahusha à la condition qu’il se montre à ses yeux avec un équipage plus pompeux que ses prédécesseurs : « ce sont des chevaux ou des éléphants qui portent Indra ; il faut que tu te procures un équipage, que ne possèdent ni Vishnu, ni Rudra, ni les démons, ni les Géants. Que les saints ŗshis ensemble portent ta litière, voilà ce que je désire de toi ». Nahusha accepte en reconnaissant sa lumière capable d’ôter la lumière sur celui sur qui il pose les regards. Il ordonne aux ascètes de le porter sur le lit divin.

L’arrogance de Nahusha lui monte à la tête. Il se trompe sur une hymne védique en rapport avec le sacrifice. Par peur d’être corrigé, il frappe d’un coup de pied Agastya le Sage (celui-ci est appelé dans les textes l’étoile Canopus). Cette arogance est comparable à celle qu’a Salmonée, roi grec. Celui-ci se fait adorer à l’égal d’un dieu. Il remplace les autels de Zeus par les siens. Il voulait s’égaler à Zeus. L’arrogance de Nahusha et le mauvais traitement envers Agastya est déplorée par Bhŗgu, un dieu dont on dit qu’il est caché dans les tresses d’Agastya afin de ne pas croiser le regard de Nahusha. Bhŗgu condamne dès lors Nahusha à vivre sous la forme d’un grand serpent couché à terre pendant 10000 années. Ce n’est qu’après cette période qu’il pourra regagner le ciel. Indra peut reprendre sa place dans le ciel à condition que le meurtre de Vŗtra soit puni. Il se voit obligé de vénérer Vishnu (autre nom de Vŗtra) : « Qu’Indra accomplisse le sacrifice du cheval, en me prenant pour divinité, après il retrouvera son rang ». Indra peut dès lors retrouver sa place de roi des dieux.

La sentence de Nahusha n’est pas éternelle. Agastya lui annonce qu’il regagnera le ciel avec la participation de sa descendance. Nahusha est déjà roi mais n’a pas encore atteint la suprême dignité de souverrain. Son retour au ciel sera confirmé par la venue de Cyavana, fils de Bhŗgu. Il s’agit d’une étoile qui a fait vœu de vivre dans l’eau pendant 12 années. On dit d’elle qu’elle a une barbe et des tresses de couleur rouge-brun. Cyavana est reconnu comme une personnification de la planète Vénus tout comme Bhrgu son père. Des pêcheurs le trouvent dans ses filets dans un fleuve. Cyavana demande aux pêcheurs de subir le même sort que les poissons avec qui il a vécu pendant ces 12 années. Les pêcheurs le reconnaissant comme un être supérieur. Ils ne peuvent tuer les poissons sans le tuer. Ne sachant pas comment résoudre ce dilemme, ils demandent l’aide de Nahusha. Cyavana propose qu’on l’achète pour une somme à la hauteur de sa valeur. Nahusha accepte de le racheter mais il a beau augmenter son prix (allant jusqu’à offir son royaume entier), celui-ci n’est jamais au goût des attentes de Cyavana. Seule la vache Go l’équivaut et elle est donc offerte par Nahusha comme rançon. Les pêcheurs ne veulent pas accepter cette rançon mais ils la donnent à Cyavana. Touché par ce geste, Cyavana emmène au ciel les pêcheurs et les poissons et Nahusha obtient en récompense de son don la promesse qu’il retrouva sa place au ciel.

Nahusha rencontre un jour le vaillant Bhîmasena. Celui-ci est un terrible chasseur qui parcourt les bois et tue un grand nombre de lions et d’éléphants. Nahusha l’enveloppe de ses anneaux de serpent et lui ôte la force et la connaissance. Il explique à son descendant Bhîma que quiconque l’approche, tombe immédiatement sous son pouvoir. Yudhishţhira s’inquiète de l’absence de son jeune frère Bhîma. Comme il avait appris qu’il était parti de bonne heure à la chasse il part à sa recherche. Il retrouve son frère Bhîma en suivant les traces des bêtes féroces qu’il a tuées ou mises en fuite. Pour éviter la mise à mort de son frère, Yudhishţhira tente de le délivrer par la douceur. Nahusha accepte de libérer son frère s’il peut répondre à plusieurs questions. Yudhishţhira y répond correctement, si bien qu’il permet la libération de son frère mais également Nahusha lui-même. Il perdit sa forme animale pour revêtir sa forme divine et il monte, comme annoncé, au ciel.

Il semble que ce mythe se soit calqué sur le déroulement du jour et de l’apparition du soleil, de l’étoile du matin et de l’étoile du soir. En effet, le récit de cette histoire semble s’organiser suivant le schéma suivant :

1) Crépuscule

Mort de Vŗtra tué par Indra. Celui-ci s’enfuit. C’est une période sans souverrain.

2) Nuit

Nahusha devient le roi des dieux. Il est soulevé dans le ciel par les étoiles ŗshis.

3) Aube

Bhŗgu met fin au règne de Nahusha. Celui-ci est transformé en serpent. C’est une période sans souverrain. Indra devra accomplir le sacrifice du cheval pour remonter sur son trône.

4) Jour

Indra retourne sur son trône et remprend sa place de roi des dieux.

5) Crépuscule

Retour de Nahusha au ciel par la rencontre qu’il fait avec Bhîma.

Quelles sont les explications de ces évènements à la lumière du jour et de la nuit :

1) Crépuscule

Indra représente le ciel bleu et la lumière du jour. En tuant Vŗtra, il souille le ciel de sang. C’est bien le soleil qui est responsable de l’apparition de la couleur rouge du ciel au crépuscule. Lorsqu’Indra s’enfuit, il est à l’extrémité du monde et sous les eaux. Ceci correspond bien à l’image d’un soleil qui a disparu sous l’horizon.

2) Nuit

Nahusha est doté d’un grand nombre d’étoiles éteincelantes sur son front. Lorsque Nahusha est porté par les étoiles, elles se succèdent. Ceci correspond au déplacement des étoiles durant la nuit.

3) Aube

Lorsque Nahusha, le roi Nocturne, descend du ciel, cela correspond à la perte de l’éclat des étoiles à l’aube. On peut considérer que Nahusha descend du ciel nocturne pour rejoindre le monde souterrain. Sa transformation en serpent symbolise la fuite de l’ombre le matin à la frontière du monde visible sous une forme circulaire et faisant référence au serpent égyptien notamment. Le cercle formé est la frontière entre le jour et la nuit, en d’autres mots entre la vie et la mort. Cette période est antérieure au lever du soleil. Indra ne regagne pas tout de suite son trône. Son épouse Çaci part à sa recherche et est obligée d’aller en Himalaya, les plus hautes chaînes de montagne du monde pour l’apercevoir en tant que soleil. Le sacrifice du cheval doit être accompli avant qu’il regagne le ciel.

4) Jour

Le soleil a retrouvé sa place dans le ciel.

5) Crépuscule

Bhîma est enfermé dans les anneaux du serpent, ce qui signifie que Vénus est encore située au niveau de l’horizon et la libération de Bhîma est l’apparition de la lumière de Vénus au crépuscule.

Nous sommes bien face à une magnifique métaphore expliquant la lutte pour le trône du ciel entre 2 catégories de divinités : les Pândava et les Kaurava. Cette lutte est universelle et oppose toujours le bien au mal, d’une façon parfois fort réductrice…

Pour plus d’informations concernant ce mythe, je vous renvois à l’article « le poème d’Erra » qui complète assez étonnamment  cette histoire.

Sources Bibliographiques :

- ELIADE M., 1947. Le « dieu-lieur » et le symbolisme des noeuds. Revue de l’histoire des religions. Volume 134, numéro 134-1-3. pp. 5-36.

- SCHAUFELBERGER G. & VINCENT G., 1999. Traductions de textes sanskrits tirés du Mahâbhârata et étude de l’œuvre. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].

- SPEIJER J.S., 1885. Le mythe de Nahusha. Actes du sixième congrès internationnal des orientalistes, tenu en 1883 à Leide. 3ème partie, section 2 : aryenne. pp. 81-117.

- WILKINS W. J., 2006. Mythologie hindoue, védique et pouranique. L’Harmattan. 398 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:01
Le lion, un symbole de Vénus

Le lion est un symbole très répandu dans les mythologies pour parler de Vénus. Les dieux lions nous plongent dans l’histoire d’un bouleversement planétaire qui toucha les 2 grands camps des divinités…

Le lion est un animal connu pour sa force et sa puissance ; il est aussi susceptible, belliqueux, voire sanguinaire. Pour ses caractéristiques, le lion fut un symbole de prédilection pour représenter Vénus, planète qui a boulversé la face du monde il y a des millénaires. L’importance du lion dans les mythologies est très ancienne : en sumérien on le désignait par « Urmah », Ur-mah signifiant chien puissant. La naissance de Vénus est très souvent représentée sur les murs des temples ou des tombes égyptiennes par 2 lions qui se font face. La naissance d’Horus le vengeur est symbolisée par un soleil (Vénus) émergeant des collines primordiales et entre 2 lions.


Double lion égyptien, symbole de l'Etoile du matin et de l'Etoile du soir (Vénus). Cette figure représente la naissance d'Horus.. Localisé au Louvre. Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ... -ay-ai-eje.
Une des plus belles métaphores utilisée pour symboliser l’apparition de Vénus dans le ciel nous parle d’un lion Ashtar (dieu phénicien) responsable de la mort d’une antilope symbolisant l’humidité de la nuit. Cette attaque est suivie de la chute d’Ashtar dans les enfers par les 2 serviteurs du taureau Él (très souvent représentés dans les sceaux phéniciens par des griffons). Ce lion mort renaît le soir lorsqu’il tue le Taureau Él et porte le nom d’Ashtart (parèdre d’Ashtar).  Ce mythe symbolise donc l’apparition de Vénus dans le ciel au moment de l’aurore. Elle perd son éclat lors de l’apparition du Soleil (Shapash). Elle renaît le soir lorsque le soleil atteint l’horizon. La tablette III AB, C de Ras Shamra (célèbre cité syrienne appellée Ugarit) nous synthétise la chute d’Ashtar tué par les serviteurs de Él, à l’aurore :

15. [Voici que va paraître] Shapash (déesse du soleil Špš), le flambeau des dieux. Elle s’élève la voix et [crie] (à Ashtar) : ‘Ecoute bien !
16. Il se vengera, le Taureau Él, ton père, à la face du Prince-Mer (le dieu Yam), à la face du Juge-Fleuve (autre nom de Yam).
17-18a. Il ne t’écoutera pas le Taureau Él, ton père : certes, il arrachera le support de ton siège ; certes, il renversera [le trône] de ta royauté ; certes, il brisera le sceptre de ta juridiction’.
Ashtar sait sans doute que l’arrêté de Él est, comme on le lui dit, sans appel, et il s’y soummet immédiatement. Il n’oppose aucune résistance.
18b. Et Ashtar répond :
19. ‘Il m’a saisi, le Taureau Él, mon père. Moi [je n’ai pas] de maison pour moi [comme] les (autres) dieux, de parvis [comme les (autres fils de
20. Qa]desh (Ashérat). En lion, je descendrai dans ma tombe (npš). Les étoiles-Kṯrm disparaissent dans la mai[son du Prince]-
21. Mer, dans le temple du Juge-Fleuve. Il se venge le Taureau Él, son père à la face du Prince-Mer,
22. à la face du Juge-Fleuve.’ Tu n’auras pas de pouvoir pour la royauté, ni de femme pour toi comme les (autres) dieux,
23. ni de servante comme les (autres) fils de Qadesh (Asherat). Et le Prince-Mer [(te) regardera], et le Juge-Fleuve [(t’) observera], et il dira :’Ashtar…’ »

(Traduction provenant de DU MENSNIL DU BUISSON R., 1970. Etudes sur les dieux hérités par l’Empire romain. E. J. Brill, Leiden, Netherlands).
Ce texte a sa correspondance exacte dans la Bible en Isaïe 14:12. Le terme utilisé pour qualifier l’Etoile du matin est Heylel en hébreux. Ce porteur de lumière est appelé Lucifer en latin (« Lux » ou « Luci » signifie lumière et « fer » porteur) et Phosphoros en grec.

12. « Comment es-tu tombé du ciel,
Étoile du matin (traduction du mot hébreux Heylel), fils de l’aurore ?
As-tu été jeté à terre,
Vainqueur des nations ?
13. Toi qui avais dit dans ton cœur :
‘J’escaladerai les cieux,
au-dessus des étoiles de Dieu j’élèverai mon trône,
je siégerai sur la montagne de l’Assemblée,
aux confins du spetentrion.
14. Je monterai au sommet des nuages,
je m’égalerai au Très-Haut.’
15. Mais tu as été précipité au shéol,
dans les profondeurs de l’abîme. »

16. « Est-ce bien toi qui faisait trembler la Terre,
qui ébranlait les Royaumes?
17. Il a réduit le monde en désert,
rasé les villes,
il ne renvoyait pas chez eux les prisonniers.
18. Tous les rois des nations, tous, reposent avec honneur,
chacun chez soi.
19. Toi, on t’a jeté hors de ton sépulcre,
comme un rameau dégoûtant,
au milieu des gens massacrés,
transpercés par l’épée,
jetés sur les pierres de la fosse,
comme une charogne foulée aux pieds. »
20. Tu ne leur seras pas uni dans la tombe,
car tu as ruiné ton pays,
fait périr ton peuple.
Plus jamais on ne prononcera le nom
de la rac. des méchants.
21. Préparez le massacre de ses fils
pour la faute de leur père.
Qu’ils ne se lèvent plus pour conquérir la terre
Et couvrir de villes la face du monde. »


Tout comme Heylel, Ashtar est soummis à un jugement qui lui fait perdre son sépulcre et l’oblige à descendre en temps que lion dans sans tombe (le Shéol pour Heylel). Le texte d’Isaïe nous permet de constater que ce lion a ruiné son pays, a fait périr son peuple. Ses enfants doivent également rester dans le monde du dessous comme les étoiles-Kṯrm d’Asthar.
Ce terme de « porteur de lumière » est équivalent à celui du dieu phénicien Resheph qu’on qualifie de « portier du soleil » (LIPINSKI E., 1995).  Son nom se retrouve sous différentes formes dans les textes et noms qui accompagnent sa représentation : en phénicien Ršp, en cunéiforme Ra-sa-ap ou Ra-ša-ap, ou Ršp en égyptien. Avec le syllabaire suméro-akkadien nous pouvons traduire Rasaap phonétiquement par RÁ-SÁ-AB : « le père qui guide et qui brille » ou  RÁ-ŠA-AB : « le père brillant qui assèche ». Il est représenté habituellement dans la posture d’un pharaon frappant ses ennemis, le pied gauche en avant, le bras droit brandissant une arme. Resheph est un dieu redoutable et belliqueux, caractère du lion sur lequel on peut parfois le retrouver. Son parèdre peut parfois être représentée dans la même attitude combattante. L’attribut de Resheph est également l’arc comme l’indique une référence de la cité syrienne Ugarit : « Resheph l’archer ». Dans la Bible (Dt, 32:23-24). ce dieu est un génie destructeur au service de Yavhé.

« J’accumulerai sur eux les fléaux,
J’épuiserai contre eux mes flèches.
Une fois consummés par la famine
Et attaqués par Resheph
c’est Qatéb venimeux et la dent des bêtes
que j’enverrai contre eux
avec le venin des reptiles de la terre ».


En Palestine, Resheph est vénéré à Apollonia – Arsūf (nom en arabe), ce qui laisse suggérer que ce dieu est lié à l’Apollon grec. A Chypre, le dieu Resheph dieu-archer a fusionné avec lui. Un des surnoms d’Apollon est Phoebus. Tout comme Heylel il fut banni de la montagne des dieux appelée Olympe dans la mythologie grecque. Il avait comploté contre Zeus.

Marduk nous livre de précieuses informations sur le premier grand passage de Vénus, celui qui a provoqué le grand Déluge. Dans l’Enûma Eliŝ, l’Epopée babylonienne de la Création on dit que Marduk est l’enfant soleil d’Enki. C’est un dieu vengeur (tablette 3 ligne 10) tout comme Horus. Il est responsable du Déluge : il déchaîne les vents (tablette IV, ligne 96-99), qui s’engoufrent dans la bouche de Tiamat. Celle-ci éclate sous l’effet d’une flèche envoyée par Marduk. Il utilise les morceaux du corps de Tiamat pour façonner le monde. Dans le poème d’Erra, nous apprenons qu’Erra va enflammer la colère de Marduk, l’éloigner de sa demeure et détruire les hommes. Marduk va provoquer le Déluge mais également déstabiliser les étoiles. Son apparence va être altérée et il restaurera son image par le feu. En l’absence de Marduk (qui a perdu son éclat), Erra est chargé de combattre Enlil et Anu. Une autre version concernant Marduk est conservée dans le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Le dieu du Soleil Erra invoque le retour de Vénus, ce qui permet à Erra de devenir le roi des dieux :

«Lorsque Marduk eut entendu les propos d’Erra, ils lui semblèrent délicieux. Il (Marduk) quitta sa demeure impénétrable et il alla vers celle des Anunnaki. Lorsqu’il (toujours Marduk) fut entré et qu’il se tint [face à eux], Šamaš (le soleil) obscurcit ses rayons en le voyant. Sîn (la lune) fixait ailleurs […] Les mauvais vents se soulevèrent, transformant le jour en ténèbres et [bousculant] l’ensemble de la Terre et le tumulte des peuples […] Alors les Igigi (Nungal), terrorisés, s’en furent dans les hauteurs et les Anunnaki se précipitèrent au fond de l’abîme ».
Traduction d’un passage du poème d’Erra par Don Moore.


Dans l’article : « [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] », j’ai parlé du loup Fenrir, un autre animal sanguinaire qui qualifie cet astre destructeur. Tout comme Marduk, il obsurcit les rayons du soleil. Tout comme les dieux dont j’ai parlé plus haut, le loup Fenrir s’enfonce profondémment dans la terre, où il va être enchaîné. Dans cet épisode Fenrir est attaché à un grand rocher. Au Ragnarök, le loup Fenrir attaque le monde des hommes et des dieux. Le passage ci-dessous confirme clairement que Fenrir est un astre perturbateur :

(Völuspá 40-41)
A l’est habite la vieille
Dans la forêt du fer,
Et là elle met au monde
Les enfants de Fenrir.
Parmi eux tous,
L’un deviendra,
Sous la forme d’un monstre,
De l’astre le destructeur.
Il se rassasiera du sang.
Des hommes à la mort voués.
Il rougira de sang pourpre
La demeure des dieux.
Noirs deviendront les rayons du soleil
Tout au long des étés suivants,
Et terribles seront les tempêtes.
En savez-vous davantage, vraiment ?
(Source : DILLMANN F-X., 1991)


Dans la continuité de cette description, le dieu hittite Hahhima (présent dans « le Mythe de la Disparition du soleil ») est un monstre destructeur de vie sur la terre et au ciel. Son apparition a lieu lorsque le soleil se réfugie au fond de la mer (parallèle évident avec Ashtart, l’étoile du soir qui apparaît quand le soleil se couche). Cette période est caractérisée par l’absence de souverrain des dieux. Vénus est tenu responsable d’une période de grand gel qui immobilise les dieux. Le dieu de l’Orage essaie de lutter contre Hahhima mais en vain. Deux combats héroïques les opposeront. Le dieu de l’Orage appelle le dieu du Soleil qui est introuvable. Seul le retour du Soleil à la place du Gel pourra entraîner la disparition de Hahhima et permettre à la vie de renaître à nouveau.

Un autre dieu hittite appelé Illuyanka est également le réprésentant des forces obscures de la nature. Le mythe d’Illuyanka nous présente 2 versions différentes pour expliquer le retour du dieu de l’Orage au pouvoir. Illuyanka est un serpent qui a vaincu le dieu de l’Orage. Il vit sous terre. En sortant des entrailles de la terre, il menace l’ordre établi par le dieu de l’Orage. Ce mythe tend à relativiser le rôle négatif de cet astre pertubateur. En effet le dieu de l’Orage est présenté comme un adversaire impitoyable, et rusé ; à l’opposé Illuyanka est est généreux à l’image du monde sauvage. Dans la première version du mythe, on apprend que le dieu de l’Orage (via le dieu de la tempête) obtient de l’aide de la fille d’Illuyanka Inara, celle-ci a reçu l’aide d’un mortel (Hupasya) par la séduction. Hupasya capture le serpent avec une corde et le dieu de l’Orage le tue. Dans la deuxième version, le dieu de l’orage agit seul. Il retrouvera ses yeux et son cœur grâce au mariage de son fils qui vivait dans la belle famille. Le dieu de l’orage combat une 2ème fois Illuyanka sur la rive de la mer. Le fils du dieu de l’orage s’est rangé du côté du serpent et demande à son père de l’épargner, mais en vain.

« Quand il fut à nouveau valide dans son corps comme auparavant, il alla de nouveau dans la mer pour livrer bataille. Quand il lui livra bataille, et quand il fut sur le point de vaincre le Serpent, le fils du dieu de l’Orage était avec le serpent et appela son père dans le ciel :
« Inclus-moi avec eux ; n’aie pas pitié de moi » aussi le dieu de l’Orage les tua (tous les deux) le serpent et son propre fils. Et ceci le dieu de l’Orage […]. »
(Deuxième version du mythe de Illuyanka, source : DILLMANN F-X., 1991).


La mort de l’astre destructeur est confirmée dans le mythe de Labbu, dont une tablette endommagée de la bibliothèque d’Aššurbanipal donne de précieuses informations. Dans ce mythe, Enlil charge un autre dieu de tuer Labbu. Celui-ci est un monstre dont l’apparence est celle d’un lion et d’un serpent qui est envoyé par le dieu Enlil pour détruire l’humanité. Il vit dans l’eau. Il est le fils de Tiamat et la « progéniture du Fleuve ». Il a pour but de détruire la Terre et l’humanité. Labbu a une queue qui balaye le tiers des étoiles. Ce monstre doit être tué par Tišpak. Celui-ci est chargé de sauver la terre et prendre les rennes du pouvoir. Lorsque Labbu est tué, il est dit que : « Et pendant trois ans, trois mois et un jour […] coula le sang du Labbu.

« Sa longueur était de cinquante milles,
Et de un mille son [épaisseur ( ?)] ;
Sa gueule mesurait six coudées,
[Et sa langue ( ?)], douze coudées.
Sur douze coudées (s’étendait)
Le périmètre de ses oreilles.
A soixante coudées de distance,
Il [attrapait ( ?)] les oiseaux [de sa langue ( ?)].
S’il se mouvait sous neuf coudées d’eau […],
Il pouvait élever sa queue [jusque…]. »

(Mythe de Labbu, source : DILLMANN F-X., 1991).
Au terme de cette investigation initiée à partir du lion, nous redécouvrons encore ici le drame cosmique qui s’est conservé dans bons nombres de mythes à travers le monde. Un astre pertubateur, dont la naissance est causée par le dieu Enlil, est chargé de détruire l’humanité. Sa taille et sa lumière sont responsables de la montée des eaux, en d’autres mots du Déluge. Après cet épisode qui boulversa la surface de la Terre, la vie a repris son cours. Le monde n’est pour autant pas sain et sauf : Vénus réapparaît à proximité de la terre et cause de nouveaux dégâts. La terre est plongée dans l’obscurité et des tempêtes se déchaînent pendant plusieurs étés successifs. Les hommes et les dieux sont immobilisés. Lors du 2ème passage, un serpent a combattu le dieu de l’Orage et l’a mutilé. Il semble être sanctionné par le dieu Él qui le fait précipiter dans les profondeurs du Shéol.  Le dieu du Soleil est chargé d’assurer le règne sur le monde en l’absence du dieu de l’Orage. Ce règne n’est pas éternel et un nouveau passage de Vénus perturbe à nouveau la vie. A son retour, le Soleil disparaît sous l’horizon et le monde est sans souverrain. Le dieu de l’Orage retrouvera sa place du roi du monde après avoir vaincu le lion-serpent lors d’un dernier grand combat cosmique…

Remarque : pour plus d’information concernant ce drame cosmique, vous pouvez vous réferer à l’article « [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ». Il donne de précieux détails concernant le résumé de cette conclusion. Les noms sont différents, mais vous verrez très vite que ce mythe est intimement lié à cette histoire.


Sceau cylindre sumérien représentant Nergal sortant de la butte primodiale. Il est entouré par Ishtar et par Enki, des symboles représentant l'Etoile du matin apportant la chaleur et l'Etoile du soir apportant l'humidité. 

Sources bibliographiques
-  AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni. 320 p.
-  BEYER D., 2001. Emar IV. Les sceaux. Missions archéologique de Meskéné-Emar. Recherche d’Astata. Orbis Biblicus et Orientalis, 20. Series Archaeologica. Editions universitaires, Fribourg, suisse. 490 p.
-  BOISSELIER J., 1993. La sagesse du Bouddha. Gallimard. 191 p.
-  CASSIN E., 1981. Le roi et le lion. Revue de l’histoire des religions. Volume 198. Numéro 198-4. pp. 355-401.
-  CHIFFLOT T-G., 1955. La Bible de Jérusalem. L’Ecole biblique de Jérusalem.
-  DILLMANN F-X., 1991. L’Edda, récits de mythologie nordique par Snorri Sturluson. Gallimard, Paris. Pp. 41-42.
-  DU MESNIL DU BUISSON R., 1973. Nouvelles études sur les dieux et les mythes de Canaan. E. J. Brill, Leiden, Nederlands
-  DU MENSNIL DU BUISSON R., 1970. Etudes sur les dieux hérités par l’Empire romain. E. J. Brill, Leiden, Netherlands.
-  FERRE J., 2003. Dictionnaire des mythes et des symboles. Editions du rocher.
-  KUNTZMANN R., 1983. Le symbolisme des jumeaux au Proche-Orient ancien. Naissance, fonction et évolution d’un symbole.Beauchesne, Paris.
-  LAROCHE E., 1963. Le dieu anatolien Sarrumma. Syria. Volume 40. Numéro 40-3-4. pp. 277-302.
-  LIPINSKI E., 1995. Dieux et déesse de l’univers phénicien et punique. Peeters, Louvain. 536 p.
-  MAZOYER M., 2003. Télépinu, le dieu au marécage : essai sur les mythes fondateurs du royaume hittite. KUBABA, Paris.
-  MAZOYER M. & PEREZ REY G.,2007. Monstres et monstruosités dans le monde ancien. KUBABA, Paris. 302 p.
-  VIEYRA M., 1946. Une stèle hittite de Malatya. Comptes-rendus des scéances de l’année… Académie des inscriptions et belles-lettres. Volume 90, Numéro 1. pp. 130-135.
-  WALTER P., 1999. Le devin maudit. Merlin, Lailoken, Suibhne. Texte et étude. Ellug, Grenoble. 252 p.
-  WILKINS W. J., 2006. Mythologie hindoue, védique et pouranique. L’Harmattan. 398 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:02
Les origines du déluge


L’un des récits le plus connus concernant le déluge est celui de la Genèse, pourtant les très nombreuses versions étudiées dans cet article (pour certaines beaucoup plus anciennes) nous permettent de reconsidérer sous divers angles son récit moralisateur et de redécouvrir ses véritables origines…


Le déluge a fait couler beaucoup d’encre, un bateau et un rescapé ont trouvé écho dans quasi toutes les mythologies du monde. L’un des récits le plus connus est celui de la Genèse, pourtant les très nombreuses versions étudiées dans cet article (pour certaines beaucoup plus anciennes) nous permettent de reconsidérer sous divers angles son récit moralisateur et de redécouvrir les véritables causes du déluge.
En Genèse 6:5-9, Yahvé envoie le déluge car les hommes sont mauvais de nature et il regrette de les avoir créés : 


« Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à la longueur de journée. Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur. Et Yahvé dit : «  je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés – depuis l’homme, jusqu’aux bestiaux, aux bestioles et aux oiseaux du ciel -, car je me repens de les avoir faits ». (Bible de Jérusalem).

On se rend compte très vite en étudiant les variantes des autres mythologies, que "dieux" est un terme qui regroupent plusieurs divinités. Dans la 11ème tablette de l’épopée de Gilgameš découverte à Ninive en Irak, Uta-napištî lui dévoile le récit du déluge. On apprend qu’un groupe de dieux ont décidé de lancer le déluge :

« Je vais te confier un secret des dieux !
Tu connais la ville de Šuruppak,
Sise [sur le bord] de l’Euphrate,
Vieille cité, et que les dieux hantaient.
C’est là que prit aux grands-dieux l’envie de provoquer le Déluge :
[Les instiga]teurs en étaient Anu, leur père ;
Enlil-le-preux, leur souverain ;
Leur préfet, Ninurta, et Ennugi, leur contremaître. »
(11ème tablette de l’épopée de Gilgameš, traduction de BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993).

D’autres textes découverts toujours dans la Bibliothèque de Ninive nous confirment ce fait. En comparant 3 copies réalisées par des scribes assyriens sur ordre du roi d’Assyrie Assurbanibal (datant du VIIème siècle avant notre ère), on a pu recomposer un poème original dont le héro principal est ‘Hasisadra, un analogue à Noé, qui a obtenu l’immortalité des dieux. Il s’adresse à Izdhubar (Gilgameš) :

« Je veux te révéler, ô Izdhubar, l’histoire de ma conversation et te dire la décision des dieux.
La ville de  Šurippak, une ville que tu connais,
Est située sur l’Euphrate ;
Elle était antique et en elle [on n’honorait] pas les dieux.
[moi seul, j’étais] leur serviteur, aux grands dieux.
[les dieux tinrent conseil sur l’appel d’]Anou.
[Un déluge fut proposé par [Bel]
[et approuvé par Nabou, Nergal et] Ninih. »
(« Le déluge de‘Hasisadra », traduction provenant de LENORMANT F., 2001)

Cette version nous confirme très clairement qu’Anou (An le dieu mésopotamien du ciel) est le dirigeant d’un conseil. Le dieu qui a lancé l’idée est Bel, soit Enlil, le dieu des vents. Le conseil a délibéré et la décision est irrévocable malgré que le fait que le dieu Ea (dieu créateur mésopotamien) ne soit pas d’accord. Ceci est confirmé par un texte sumérien traduit pour la première fois en 1914 par Arno Poebel, dont le héro du récit est Ziusudra (nom qui signifie une fois décomposé : ZI-U-SUD-RÁ = vie de jours prolongés). Selon les listes royales sumériennes, celui-ci régna sur la cité de Šurippak citée plus haut.

«  Le Déluge [va anéantir] les agglomérations et recouvrir leur capitale,
Pour détruire la rac. humaine : [Ainsi en a-t-il été décidé],
Décision ratifiée par l’assemblée et irrévocable !
Ordre porté par Anu et Enlil, et [inaltérable] :
Le Royaume des Hommes [sera détruit] »
(« Le déluge de Ziusudra », traduction provenant de LENORMANT F., 2001)

Ce Ziusudra se retrouve dans une version attribuée à Bérose, un scribe chaldéen (terme qui qualifie la région située entre les cours inférieurs de l’Euphrate et du Tigre où se sont formés Sumer et Akkad). Son nom est très proche de l’original : Xisouthros. Bérose a réalisé ce récit en se basant sur des livres sacrés de Babylone. L’œuvre est perdue mais on a retrouvé 2 résumés anciens attribués à Alexandre Polyhistor (un grammairien du 1er siècle av. JC ) et à Abydène, (un écrivain de la fin du 1er siècle après JC). Cette version comprend un passage novateur : Cronos (analogue grec d’Enki/Ea) annonce en rêve le déluge à Xisouthros et lui demande d’enfouir les écrits disponibles dans la ville du soleil de Sippara. Cette version reprend des passages biens connus du déluge tels que notamment la construction du navire, le lâcher d’oiseaux, le sacrifice réalisé sur la montagne où fait escale le navire (dans cette version ils arrivent en Arménie). Les compagnons de Xisouthros qui ont survécu vont déterrer les écrits, vont fonder de nombreuses villes, bâtir des temples et reconstituer Babylone.

Toujours dans la période qui précède le déluge, divers textes nous renseignent sur les catastrophes précédant le déluge. Dans le Poème akkadien d’Atras-Hasis, un des textes les plus anciens du déluge, on apprend qu’Enlil a décidé de mettre fin à l’humanité car elle était trop bruyante. Dans les premiers temps, Enlil envoie d’abord plusieurs fléaux tels que des épidémies et une grande sécheresse mais Enki est toujours présent pour aider l’humanité. Il s’en suivra le déluge provoqué par Ninurta le fils d’Enlil qui va laisser déborder les barrages célestes et Nergal (assimilé à Osiris/Horus vengeur) qui va arracher les étais des vannes d’en haut. Le déluge des Celtes se retrouve dans un texte qui s’appelle les Triades (poésie bardiques des Cymris du pays de Galles). On compte 3 catastrophes terribles de l’île de Prydain ou de Bretagne. Une correspond à la dévastation par le feu, l’autre une grande sécheresse et la dernière une grande inondation. Seul Dwyfan et Dwyfach vont survivre grâce à un vaisseau sans agrès et vont repeupler l’île de Prydain. Divers textes de par le monde nous signalent également des de tremblements de terre et d’une obscurité généralisée à toute la terre. On peut citer à titre d’exemple le livre ses secrets de Jean un des écrits de Nag Hammadi (NH II, 1 ; IV, 1) ou le livre de Popol-vuch qui est un recueil de traditions mythologiques des indigènes du Guatemala. Dans ce livre on raconte que la terre est secouée d’un terrible tremblement de terre. Le dieu de l’orage Hourakan fait pleuvoir sur la terre une résine enflammée. On peut considérer qu’il s’agit de chutes de météorites et des effets du passage à proximité de la terre d’un astre bruyant :

«  Les eaux, soulevées par le Cœur du Ciel Houracan, bouillonnèrent et un grand déluge s’étendit à tout le créé… De la résine enflammée tombait du ciel, la face de la terre devint noire, une pluie noire tombait jour et nuit ; et il y avait dans le ciel comme le bruit d’un feu tumultueux. Les gens couraient, s’écrasaient, grimpaient sur le toit des maisons, mais celles-ci s’écroulaient sous eux ; ils grimpaient aux arbres, mais ceux-ci les secouaient ; ils se cachaient dans les cavernes, mais celles-ci les écrasaient. L’eau et le feu détruisaient tout ».
(Traduction provenant de MEREJKOVSKI D., 1995)
« Dès l’aurore, il chut des petits-pains, et des averses de grains-de-froment au crépuscule ».
(11ème tablette de l’épopée de Gilgameš, traduction de BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993).

Quelques textes sont assez précis quand à la succession des destructions qui ont abouti au déluge universel. Citons le codex Vaticanus (un codex maya) qui est conservé à la bibliothèque du Vatican. Ce document distingue 4 grands évènements :
1) Tlatonatiuh (« soleil de terre ») : ce sont les géants ou les Quinamés les premiers habitants de l’Anahuac qui meurent de famine.

2) Tlétonatiuh (« soleil de feu ») : période qui correspond à la descente du dieu Xiuhteuctli. En aztèque Xiuhitl signifie météore. Ce dieu du feu, parfois représenté avec un oiseau turquoise au-dessus de sa tête et associé aux météores. Les hommes vont échapper au feu destructeur en se transformant en oiseaux. Un couple d’humains trouvent asile dans une caverne et repeuplent l’univers après cette destruction.

3) Ehécatonatiuh (« soleil de vent ») : un ouragan terrible provoqué par le dieu Quetzalcohuatl. Les hommes pour la plupart vont être transformés en singes au milieu de cet ouragan.
4) Atonatiuh (« soleil d’eau ») : Il se termine par une inondation, un déluge universel. Tous les hommes vont être transformés en poisson sauf un couple qui sont sauvés dans un bateau construit dans du cyprès. Sur le Codex on représente les 2 humains préservés du déluge Coxcox et Xochiquetzal. Ils sont assis sur un tronc et ils flottent au milieu de l’eau.

Revenons sur le récit du déluge concernant Ziusudra et attachons-nous à la figure du dieu Enki/Ea : dans ce récit, Enki et Nintu sont obligés d’accepter par un serment la décision de provoquer le Déluge, étant donné qu’ils font partie du conseil. Les textes de Ras Shamra (ancienne cité d’Ugarit) nous on livré également un récit intéressant du déluge, bien qu’il soit fragmentaire. Il nous précise la nature du serment fait par Ea : il est dit qu’ « il s’était engagé à ne rien dire à âme qui vive ». Cette raison peut expliquer dans une certaine mesure pourquoi Enki/Ea/Cronos prévient le Noé du déluge dans un songe. Il prévient en rêve Ziusudra/‘Hasisadra ou Uta-napištî de l’éminence du déluge afin qu’il construise un bateau lui permettant de survivre lui, sa famille, d’autres êtres humains, des animaux et des plantes variées. Ce rôle de poisson, nous le retrouvons notamment dans le Catapata Brâhmana (I, VIII, 1), un texte sacré de l’hindouisme qui évoque également le déluge. Ce texte a été traduit pour la première fois par M. Max Müller. Il nous relate la rencontre de Manu avec un poisson qui lui demande de le protéger en échange d’être sauvé du déluge. Ce poisson qui grandit de jour en jour est placé successivement du vase, à un grand bassin et finalement dans l’océan. Dans l’année même où il aura atteint sa taille maximale, le déluge surviendra. Il demande à Manu de construire un vaisseau et de l’adorer. Une fois le déluge initié, le poisson tire le vaisseau avec ses cornes, permettant ainsi à Manu de passer par-dessus la « montagne du Nord ».

Ce poisson évoque très clairement le serpent aquatique Vritra (voir les Veda) qui fut vaincu par Indra (Enlil/Zeus) et ses compagnons appelés les Marut (au nombre de 49). Vritra tout comme Osiris (Ea/Enki) renaîtra en un serpent céleste. On qualifie Vritra de serpent du ciel, de nuage orageux qui s’allonge en rampant dans les airs. Indra frappe Vritra de son foudre et en le déchirant il donne libre cours aux eaux qui étaient enfermées dans ses flancs. La taille du serpent des airs est déterminante : l’astre orageux et perturbateur s’est rapproché de la terre et une fois suffisamment proche de celle-ci il émerge de l’océan (une image pour expliquer la montée d’un astre dans le ciel à partir de l’horizon) provoquant ainsi un raz-de-marée gigantesque.
Dans l’Edda, un recueil poétique de la mythologie nordique, on retrouve également cette symbolique dans la figure du serpent Jormungand. Le Ragnarök, la grande bataille des dieux nordiques, est annoncé par 3 années de guerre suivies d’un hiver très rude de 3 ans. Il s’en suit un terrible tremblement de terre qui brisera tous les liens. Le loup Fenrir est alors délivré de ses chaînes. Jormungand est le serpent qui provoquera le raz-de-marée sur terre et qui détruira tout. Ce serpent fut jeté dans l’océan lorsqu’il était petit. Après ce déluge, le couple Lif et Lifthrasir donnera naissance à la nouvelle lignée humaine qui repeuplera le monde. Jormungand est un serpent qui enserre Midgard de ses terribles anneaux. Ce reptile croit sans cesse (tout comme le loup Fenrir) et il devient si grand qu’il finit par se mordre la queue et entourer la terre de ses anneaux. Ce serpent vit au fond de la mer. Jormungand grandit aussi vite que son frère Fenrir. Ce dernier est un loup géant. Un des ses fils est un astre destructeur qui détruira l’humanité, comme le démontre très clairement le texte ci-dessous :

(Völuspá 40-41)
« A l’est habite la vieille
Dans la forêt du fer,
Et là elle met au monde
Les enfants de Fenrir.
Parmi eux tous,
L’un deviendra,
Sous la forme d’un monstre,
De l’astre le destructeur.
Il se rassasiera du sang.
Des hommes à la mort voués.
Il rougira de sang pourpre
La demeure des dieux.
Noirs deviendront les rayons du soleil
Tout au long des étés suivants,
Et terribles seront les tempêtes.
En savez-vous davantage, vraiment ? »
(Source : DILLMANN F-X., 1991)

Citons encore le mythe de Labbu (provenant encore d’une autre tablette de la Bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive), un monstre aquatique à la fois un serpent et lion qui est chargé de détruire l’humanité sous l’ordre d’Enlil. Ce monstre est tué par Tišpak qui est chargé de sauver la terre et destiné à reprendre les rennes du pouvoir. La queue de Labbu balaye le tiers des étoiles. Ce mythe nous permet de conclure que 2 entités ne font qu’une seule. Il s’agit en fait des 2 visages d’une même entité destructrice : le loup/lion et le poisson/serpent qui provoqueront 2 destructions de nature différentes. Ces 2 entités ne font qu’une seule. Elles donneront naissance à 2 forces destructrices : le loup qui a brisé ses chaînes et qui a libéré sa colère et le serpent qui a atteint sa taille maximale et qui provoque le déluge.

Le faucon et le phénix sont également les 2 symboles d’un dieu colérique égyptien : Horus. Sous ses 2 aspects il est l’étoile du matin et l’étoile du soir. L’âme d’Osiris voyage à travers l’univers il renaît sous les traits d’Horus le faucon qui apporte la chaleur d’un 2ème soleil. Lorsqu’il retourne vers sa demeure, il est le phénix qui annonce le retour de la pluie. Le premier passage perturbateur aurait provoqué le déluge universel qui aurait détruit l’Atlantide. Une partie des rescapés se seraient réfugiés en Egypte comme le laisse penser le livre des morts égyptiens. Au chapitre 17, Nephtys participe au rapatriement des rescapés du déluge vers l’Egypte :

(ligne 43-48)

« Les générations cadettes sauvées pour repeupler une multitude dans le ‘Lieu du dessus-des-Eaux’ par Dieu à cet effet, les faisant arriver en deux populations meurtries et épuisées sur les terres promises que Dieu avait sauvé de l’eau dans sa Bienveillance à leur intention. Louées soient-elles, ces générations, en leur nom de ‘Survivants du Déluge!’, ainsi qu’en leur deuxième nom de ‘fils de la Triade du Couchant’ qui parviennent en la demeure de l’Alliance ». (Traduction d’Albert Slosman en 1979)

Le serpent destructeur est connu notamment sous le nom de Marduk. Ce dieu est invoqué notamment dans le célèbre poème de l’Enûma Eliŝ, l’Epopée babylonienne de la Création découverte à Ninive. Il dit que Marduk est l’enfant soleil d’Enki. C’est un dieu vengeur (tablette 3 ligne 10) tout comme Horus. Il est responsable du Déluge : il déchaîne les vents (tablette IV, ligne 96-99), qui s’engoufrent dans la bouche de Tiamat. Celle-ci éclate sous l’effet d’une flèche envoyée par Marduk. Il utilise les morceaux du corps de Tiamat pour façonner le monde. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] (un poème babylonien) complète le rôle de cette divinité dans le rôle d’un astre perturbateur. Je n’en m’en étais pas rendu compte tout de suite, mais je ce poème est une clé essentielle pour comprendre un pan entier de l’histoire des mythologies. Ce poème décrit d’une manière très précise le départ de Marduk de sa résidence ce qui a pour conséquence de provoquer le déluge. Marduk est le lien de l’univers et s’il quitte à nouveau sa résidence, l’univers se disloquera, ce qui provoquera un nouveau déluge.

« Le roi des dieux, ayant ouvert la bouche, prit la parole
Et adressa ce discours à Erra, le champion des dieux :
«Erra-le-preux, touchant l’opération que tu suggères,
Sache que déjà autrefois, pour avoir quitté ma résidence, à la suite d’une colère, j’ai provoqué le Déluge !
A peine avais-je quitté ma demeure que le lien de l’univers se défit :
Le ciel en ayant été ébranlé, des étoiles célestes la position changea sans qu’elles pussent reprendre leur place ;
L’Irkallu-infernal ayant bronché, le produit des sillons s’amenuisa, rendant désormais difficile la subsistance ;
Le lien de l’univers défait, la nappe-souterraine baissa et le niveau des eaux descendit !
A mon retour je vis comme il était malaisé de tout raccommoder !
Le croît des êtres vivants était tombé, et je ne pus le restaurer
Sans me charger, en personne, comme un paysan, de leur réensemencement !
Je fis donc reconstruire mon temple, pour m’y réinstaller.
Or, ma précieuse-image, maltraitée par le Déluge, avait son aspect terni !
Pour faire rebriller mes traits et nettoyer ma tenue, je recourus au feu.
Lorsqu’il eut achevé son travail et fait (à nouveau) resplendir ma précieuse-image,
Et que, m’étant recoiffé de ma couronne impériale, je fus revenu à ma place,
Mes traits étaient altiers, mon regard fulgurant !
Les hommes qui, échappés au Déluge, ont été les témoins de cette opération,
Te laisserai-je tirer les armes pour en anéantir la descendance ? »
(Le poème d’Erra, traduction provenant de LENORMANT F., 2001)

Marduk prévient Erra qu’autrefois pour avoir quitté sa demeure il a provoqué le déluge. Ce poème est étonnant dans le sens où il précise que le déluge peut se répéter une seconde fois.  Lorsque Marduk remplace Enlil dans l’Esagil, Erra lui promet qu’il peut à nouveau quitter sa demeure sans provoquer de déluge. Marduk le croit et des nouvelles catastrophes naturelles s’abattent sur terre. Le texte décrit les nombreuses destructions des villes de la Mésopotamie. On explique que Babylone est soumise à une révolte de la population « contre le gouverneur ». Nous retrouvons d’une manière très insistante l’arrogance et la violence d’Erra à la suite de ce bouleversement qui se considère alors comme le dieu unique et le maître du monde. Le poème d’Erra n’est pas le seul texte mythologique qui nous dévoile qu’il y a eu plusieurs grandes destructions sur terre. Le Codex mexicain Telleriano Remensis indique que la destruction du monde eu lieu 3 fois.

« Une fois tous les 4 ans, il y a un jeûne de 8 jours, en mémoire de ce que le monde a péri 3 fois. » (LENORMANT F., 2001).

A la vue des différents récits du déluge, on constate qu’ils s’orientent de manière quasi universelle sur la construction d’une embarcation chargée de sauver Noé et une partie des êtres vivants de la terre. Les causes qui sont invoquées telles que la méchanceté de l’homme, le non respect des dieux sont souvent de nature à culpabiliser l’homme. Elles ont tendance également à considérer les récits comme moralisateurs et permettent d’une certaine manière d’écarter les véritables questionnements sur l’origine céleste de cette catastrophe. Il faut probablement lier en partie un oubli de l’humanité sur les récits du déluge, étant donné la quasi destruction de l’espèce humaine. De plus comme le signale les nombreux textes, Noé fut écarté de l’humanité ce qui ne lui permis pas à la nouvelle humanité de comprendre les mécanismes célestes du déluge.

L’implication de Vénus reste encore à l’actuelle une idée nouvelle, peu considérée par les scientifiques. Les raisons traditionnelles pour expliquer le déluge évoquent notamment le volcanisme, la venue sur terre d’un astéroïde gigantesque et encore la précession des équinoxes comme explication des périodes de glaciation et de dégel. Néanmoins la théorie qui implique un changement d’orbite de Vénus et son implication dans plusieurs déluges a pour mérite de reconsidérer les mythologies qui sont encore à l’heure actuelle trop peu envisagées comme piste de recherche, au regard des informations qu’elles contiennent sur nos origines. C’est pour quoi l’étude approfondie des textes anciens combinée à la méthodologie scientifique mérite toute notre attention. Cet article n’a pour effet qu’une pierre lancée dans un vaste océan tant les sources sont nombreuses et variées. Je ne pourrais pas m’attarder ici plus longtemps, le temps me fait défaut, et il y a encore tant d’autres faits importants à éclaircir. Néanmoins il a de fortes chances pour que de nouvelles recherches m’amènent encore à compléter dans de nombreux nouveaux articles cette vision nouvelle, tant les mythes du monde tournent autour de ce cataclysme…

Sources bibliographiques
- ASTER., 2005. Le Déluge et ses récits : points de vue sémiotiques. Presses de l’Université Laval. 190 p.

- AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni. 320 p.

- BAILEY G., CARDEN M., CLARKE P. & al., 2006. Mythologie : mythes et légendes du monde entier. Ed. de Lodi, Paris.

- BAUDRY G-H., 2000. Le péché dit originel. Editions Beauchesne. 411 p.
BOMPART-PORTE M., 2009. Si je t’oublie Ô Babylone… Le meurtre de masse du néolithique au monde mésopotamien. Harmattan. 320 p. 

- BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993. Lorsque les dieux faisaient l’homme. Editions Gallimard. 755 p.
- CAPART A. et D. 1986. L’homme et les déluges. Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris. Volume 3, Numéro 3-3. pp. 194-196.
- DILLMANN F-X., 1991. L’Edda, récits de mythologie nordique par Snorri Sturluson. Gallimard, Paris. Pp. 41-42.
- DOMENY DE RIENZI G-L., 1836. Océanie ou 5ème partie du monde : revue géographique et ethnographique de la Malaisie, de la Micronésie, de la Polynésie, et de la Mélanésie ; offrant les résultats des voyages et des découvertes de l’auteur et de ses devanciers, ainsi que ses nouvelles classifications et divisions de ces contrées. Volume 2. Firmin Didot, Paris. 447 p.
- DURAND-FOREST J. & SOUSTELLE J., 1995. Mille ans de civilisations mésoaméricaines : Des Mayas aux Aztèques. L’Harmattan. 268 p.
- FAIVRE D., 2007. Mythes de la genèse, genèse des mythes. L’Harmattan. 281 p.
- FERRE J., 2003. Dictionnaire des mythes et des symboles. Editions du rocher. 989 p.
- LENORMANT F., 2001. Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres médiques. Tome 1. BookSurge Publishing. 510 p.
- MABIRE J., 1999. La légende de la mythologie nordique. Ancre de Marine, Louviers, France. 277 p.
- MEREJKOVSKI D., 1995. Atlantide-Europe : les mystères de l’Occident. Body, Mind & Spirit. 417 p.
- NOUGAYROL J., 1960. Nouveaux textes accadiens de Ras Shamra. Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et belles-Lettres. Volume 104, Numéro 1. pp. 163-171.
- PARKS A., 2007. Les chroniques du Gírkù. Ádam Genesis. Editions Nouvelle Terre. 516 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:03
L’enchaînement de Prométhée

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L’enchaînement de Prométhée est un mythe fort répandu en Géorgie et il est étudié dans cet article…


L’histoire de Prométhée et de son enchaînement est l’objet de cet article. Pour avoir rencontré plusieurs mythes y ressemblant par certains aspects, j’ai décidé de davantage m’y intéresser. Une poignée d’historiens et théologiens ont étudié (dont Georges Charachidzé) les nombreux personnages mythologiques de la région du Caucase qui ont subi le même châtiment que Prométhée. Il existe plus de 200 versions de cette région nous relatant l’enchaînement comme point de repère. La ténacité avec laquelle cet enchaînement est raconté sous de multiples formes nous laisse suggérer qu’il s’agit d’une croyance d’une grande importance. Je dresse un récapitulatif non exhaustif des différentes versions de Prométhée découvertes aux alentours du Caucase (principalement en Géorgie) et mises en évidence par Georges Charachidzé :

Prométhée : version grecque
Pako : version kabarde
Pak°’e : version bjedougue : tcherkesse occidentale
Nesren : version tcherkesse
Givargi : version païenne (forme christianisée Saint-Georges)
Amirani : version géorgienne (de très nombreuses variantes)
Abrskil : version abkhaze
Artawazd : version arménienne
Betken : version svane
Betkil : version svane
Cola : version svane
Aram-Xut’u : version mingrélo-abkhaze
Badur : version géorgienne orientale
Ivane  de Kvarcixe : version géorgienne orientale
Iagora : version géorgienne
Dzhardzhi : version géorgienne

Prométhée est le créateur des hommes grec. Zeus, décide de priver les hommes du feu, pour avoir été dupé par Prométhée pour ne pas avoir reçu la partie noble d’un sacrifice. Prométhée pénètre en Olympe et dérobe le feu dans la forge d’Héphaïstos et le transmet aux hommes. En conséquence de cet acte, il va être enchaîné au sommet du mont Caucase où un aigle viendra chaque jour lui manger le foie. Il sera délivré par Héraklès. L’histoire de Prométhée est connue grâce à un nombre limité de textes : quelques dizaines de vers dans la Théogonie et les Travaux d’Hésiode. Il y a également la tragédie d’Eschyle « Prométhée enchaîné ». Il faut également considérer les très nombreuses représentations du supplice.

Il faut voir l’enchaînement de Prométhée et de ses homologues comme hautement symbolique. Pour chaque version, le héro est lié sur une montagne dont la localisation est dépendante de l’origine du récit (le mont Elbrouz, le mont Kazbek, le mont Ararat, le mont Masis). En conséquence d’un désaccord avec Dieu (celui-ci est tantôt masculin, tantôt féminin et son nom diffère selon les versions), le héro est enchaîné. L’origine du supplice provoqué par Dieu n’est pas le même selon les versions. Prométhée cherche à tromper l’esprit de Dieu, alors qu’Amirani cherche à entrer en lutte avec le dieu suprême. Pour les traditions abkhazes et arméniennes, la royauté sur terre est un véritable enjeu et c’est encore plus ferme pour les Tcherkesses.
Notre protagoniste va être enchaîné à un pieu de fer, un rocher, un arbre selon les versions. Certaines traditions concernant Amirani expliquent qu’il est directement attaché au rocher. C’est également le cas pour les légendes tcherkesses et arméniennes. Amirani peut être également lié à une colonne (un pieu) qui prend appui au centre de la terre et qui rejoint le ciel. D’autres versions (abkhazes et svanes) racontent que le prisonnier est attaché au végétal. Nous pouvons considérer que cette colonne ou cet arbre qui unit le ciel et la terre est synonyme de stabilité sur terre. Les Géorgiens expliquent les tremblements de terre par les secousses que le héro provoque en secouant le pieu. Avant qu’il soit enfermé, certaines versions mettent en évidence le caractère destructeur du Prométhée géorgien (voir le passage ci-dessous concernant Pako). En Arménie, l’analogue prénommé Artawazd (version du VIIème siècle) s’indigne de régner sur un champ de ruines à la mort de son père. Il sera enfermé dans une grotte au sommet du mont Masis. Il ne cessera de tenter de se libérer pour provoquer la destruction du monde.

Pako détestait les Nartes depuis longtemps,
Il imposa sur les Nartes le poids de la malédiction,
Et le temps de la tribulation vint pour les hommes.
Pako envoie ses rigueurs contre leur pays,
Il ploie les chênes comme des roseaux, il abat les maisons,
Il élève les vagues de la mer plus haut que le ciel,
Il prive tout le monde de froment, d’avoine, d’orge,
Il noie la terre sous des pluies incessantes,
Et sèche, par un vent torride, les champs des Nartes.
(CHARACHIDZE G., 1986).

Le supplice est d’autant plus douloureux qu’il s’accompagnera dans le mythe grec d’un aigle dévorant quotidiennement le foie de Prométhée. Pour Amirani, la présence du volatile est située exactement là où on l’attend : entre son emprisonnement et sa libération (CHARACHIDZE G., 1986). Mais sa nature est tout à fait différente de l’aigle. Il s’agit en effet de son chien ailé Q’ursha (chiot d’un aigle) qui est à l’opposé un protecteur. Celui-ci réduit ses chaînes en les léchant mais des forgerons empêcheront sa libération en reformant ses chaînes. Dans la légende techerkesse, le volatile le torture différemment : dès que le prisonnier veut s’abreuver, l’aigle boit à sa place. Au regard de ces fonctions opposées entre le volatile persécuteur et le volatile protecteur, il est difficile d’expliquer la symbolique de cet animal dans le mythe…

Dieu va également enfouir notre intéressé sous terre, sous une montagne, dans une grotte, au fond de l’abîme. Dans plusieurs traditions géorgiennes (Iagora, Badur, Dzhardzhi), un chasseur est pendu par la courroie de son mocassin à un rocher ou à un arbuste sauvage et il finira par plonger dans l’abîme. Dieu empêchera Amirani de voir la terre, le ciel et la lumière. Notre Prométhée géorgien est enfoui sous terre dans un lieu qui pourrait s’approcher du Shéol biblique qui est situé dans les profondeurs de l’abîme. Ashtar le dieu phénicien est précipité du ciel par 2 serviteurs du taureau Él. Ne faut-il pas voir ces 2 serviteurs comme Kratos et Bios (dans l’œuvre d’Eschyle), les anges de mains de dieu, qui vont amener Prométhée vers le lieu de son enchaînement ? Il est fort tentant de relier cette grotte, cet abîme du mythe aux enfers des nombreuses mythologies du monde.

Dieu continue son supplice en faisant remonter le prisonnier brièvement à la surface. Un chasseur (parfois un berger) égaré retrouve le héro enchaîné sur la montagne. Celui-ci lui demande de l’aider en lui rapportant son épée qu’il n’arrive pas à atteindre. Comme celle-ci est trop lourde, le chasseur doit aller chercher chez lui un moyen de traction (chaîne du foyer ou courroie d’une charrue). Il perd du temps avec sa femme qui ne comprend pas son acte. De retour en montagne, le prisonnier a disparu : la montagne ou la crevasse s’est refermée. De très nombreuses versions nous racontent qu’il remonte temporairement à la surface et que sa non-libération est garante d’un équilibre sur terre.

Le Prométhée géorgien se voit présenter des caractéristiques, qui à mon sens, le rapprochent de Dionysos. En effet, Amirani ou Abrskil sont nés d’une vierge. Dès sa naissance il va être arraché de sa mère et continuera sa gestation dans un taureau (pour Dionysos sa gestation continue dans la cuisse de Zeus). Amirani meurt et ressuscite tout comme Dionysos. Celui-ci va transmettre des connaissances à Icarios qui lui seront fatales : il va être massacré sous les yeux de sa chienne Maéra et enterré sous un pin. Le chien compagnon d’Amirani est un parfait analogue. Les attributs principaux de Dionysos sont le lierre ou la vigne. Dans les versions concernant Amirani, on ne parle jamais de végétaux nécessitant un support, néanmoins dans les versions mingrélo-abkhaze, Aram-Xut’u ne supportait pas la vigne attachée, ni les ronciers et il les arrachait sur son passage. Ceci peut se comprendre lorsqu’on considère l’enroulement de ces vignes ou ronces comme des symboles de son enchaînement. Une version concernant Amirani raconte que Dieu lui demande (pour qu’il lui prouve sa force) d’enrouler l’hêtre comme un lacet. Celui-ci se transforme dès lors une chaîne fixée au fond de la terre. La symbolique de l’arbre de Dionysos est la même que pour celle de Prométhée et de ses homologues.

Les très nombreuses versions de Prométhée découvertes en Géorgie et dans les régions avoisinantes mettent en évidence l’importance de son enchaînement. Georges Charachidzé évoque un échange envisageable entre cette région du monde avec la Grèce. Il fut probablement de même avec d’autres régions du monde et notamment l’Anatolie d’où les analogies qu’il comporte avec Dionysos. Nous sommes toujours face à un rappel d’une mort, d’un supplice. L’enchaînement de Prométhée cache probablement un évènement plus important et destructeur, ces liens pouvant préfigurer le calme que la terre aurait retrouvé avant le dernier passage d’un astre destructeur. Cet astre a retrouvé une configuration stable lorsque le lien entre la terre et le ciel s’est reformé…

Sources bibliographiques
- AUERBACH L & al., 2004. Encyclopédie de la Mythologie.Parragon Books Ltd, Royaume-Uni.
- BROSSE J., 2001. Mythologie des arbres. Editions Payot et Rivages, Paris VIème.
- CHARACHIDZE G., 1986. Prométhée ou le Caucase. Essai de mythologie contrastive. Flammarion. 344 p.
- DESAUTELS J., 1988. La souveraineté de Zeus dans le Prométhée enchaîné d’Eschyle. Dieux et mythes de la Grèce ancienne : la mythologie gréco-romaine. Social Sciences. pp.158-161.
- FERRE J., 2003. Dictionnaire des mythes et des symboles. Editions du rocher.
- LIPINSKI E., 1995. Dieux et déesse de l’univers phénicien et punique. Peeters, Louvain, Belgique.
- SMITH P., 1988. CHARACHIDZE G., Prométhée ou le Caucase. L’homme. Volume 28, numéro 106-107. pp. 319-324.
- SOCIETE DES ETUDES EURO-ASIATIQUES, 2003. Forge et le forgeron II. Le merveilleux métallurgique. L’Harmattan. 204 p.
- SERGENT B., 1988. Georges Charachidzé, Prométhée ou le Caucase. Annales, Economies, sociétés, civilisations. Volume 43, numéro 1. pp. 185-18
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Dim 22 Sep 2019 - 19:05
Ninmah (Ninhursag) est l’arbre de la connaissance

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Ninmah (Ninhursag) est la déesse de l’enfantement, la reine des dieux, la déesse-matrice qui a créé l’humanité avec Enki et qui lui a permis de distinguer le bien du mal lorsqu’elle était l’arbre de la connaissance…


Le jardin d’Eden est le verger dans lequel on rencontrait deux arbres extraordinaires : l’arbre de la connaissance et l’arbre de la vie et de la mort. Le premier emblématique de la tentation d’Adam et Eve est une entité féminine. Par le fruit défendu, Adam et Eve accèdent à une connaissance qui n’était réservée qu’à Dieu. Découvrons ici, au travers de ses nombreux noms, qui était cette divinité créatrice qui leur a transmis cette connaissance…

Un peuple de turcs de Sibérie orientale (les Yakoutes) raconte dans une légende (ROUX JP., 1967) que l’homme primordial vivait à côté d’un arbre merveilleux. Sa naissance était récente et il s’interrogeait sur son origine. Une femme dévoilée jusqu’à la ceinture jaillit de l’arbre et lui annonce qu’il sera l’ancêtre du genre humain. Elle va dès lors allaiter l’homme, celui-ci sent dès lors ses forces décupler. On rencontre très souvent ce récit chez les turcs. Dans certaines versions, on explique que « Le roi des arbres […] laisse parfois apparaître […] une déesse âgée, aux cheveux blancs comme neige […], aux seins gros comme deux outres, sortant de sa racine jusqu’à la ceinture ». Cette femme qui est la Grande Mère est appelée Ayisit pour les Yakoutes ou Umay pour les Altaï et les Khirghiz de Turquie.

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L’écrit sans titre, un texte copte de la bibliothèque de Nag Hammadi (découvert en Egypte) nous décrit que l’arbre de la connaissance, situé à proximité de l’arbre de vie dans le nord du paradis, est doté de la puissance de Dieu. Cet écrit est étonnant dans ses différences avec la genèse et dans ses révélations concernant la création d’Adam et celles qui concernent sa mère Eve. Le paradis aurait été créé par la Justice au milieu des pierres. Adam a été créé par 7 grands archontes. Il est laissé seul et au bout de 40 jours il commence à se mouvoir sur terre. Eve est celle qui lui permettra de se lever et d’ouvrir les yeux. Adam l’appellera dès lors « Mère des vivants ». Suite à celà, les archanges décident de faire tomber Adam dans un sommeil et de l’instruire dans son sommeil pour qu’il croie qu’il est né de la côte d’Eve. Ils décident également de souiller Eve avec leur semence afin « qu’elle ne puisse plus retourner dans sa lumière ». Eve, puissante, se moque de leur dessein. Elle place un sosie d’elle-même à côté d’Adam et elle rentre dans l’arbre de la connaissance pour y demeurer. Dans la suite du récit, on précise qu’Eve « s’est faite arbre ». Les archontes aveuglés vont éjaculer leur semence dans la sosie d’Eve.

Ils s’approchèrent [d’Adam] et voyant le sosie de celle-là près de lui,
ils se hâtèrent, croyant que c’était la véritable Eve et ils osèrent s’approcher d’elle.
Ils la saisirent et éjaculèrent leur semence en elle.
Ils firent cela avec fourberie ; (la) souillant non seulement selon la nature,
mais abominablement, puisqu’ils souillaient l’empreinte de sa voix qui avait parlé avec eux auparavant en disant : « il y a quelqu’un avant vous ».
(Extrait de l’Ecrit sans titre, PAINCHAUD L., FUNK WP., BRITISH LIBRARY, 1995)

La création de l’homme est également attribuée à Belet-ili (Nintu) dans le poème d’Atraḥasîs. Ce récit a d’abord été connu par une des épaves de la Bibliothèque d’Assurbanipal (version de Kasap-Aya qui est la plus longue). D’autres versions, notamment celle du British Museum, corroborent des pans entiers de ce récit. Belet-ili y est qualifiée de déesse de l’utérus. C’est la sage-femme des dieux. Suite à la révolte des Igigu contre le souverain des dieux Enlil, il est décidé dans l’assemblée des dieux que Belet-ili soit chargée de créer un prototype d’homme pour assurer la corvée des dieux. Elle est accompagnée par Enki notamment qui est le seul capable de purifier tout l’argile. Les différentes versions la qualifient notamment ainsi : Dame des dieux, Dame-de-tous-dieux (Bêlet-kala-îlî), Mammi, Mammi l’experte,…

« Or, une fois rassemblées [les mat]rices, Nintu [se tena]it là :
[Elle co]mptait les mois de prégnance
Jusqu’à ce qu’en la salle-aux-destins on annonçât le dixième.
Ce dixième mois arrivé, elle dédaigna le « bâton » ( ?) et découvrit ( ?) le bas-ventre ( ?) :
Son visage brillait de joie !
Puis elle se couvrit la tête et fit la sage-femme :
Elle se ceignit les lombes, prononça une bénédiction,
Traça un trait-de-farine et mit en place une paroi-de-brique, (en disant) :
‘C’est moi qui l’ai produit, qui l’ai fait de mes mains !
Qu’en la maison de la ‘consacrée, la Sage-femme soit en joie !
Partout où quelque parturiente accouchera,
Ou qu’une jeune-mère se débarrassera d’elle-même,
La paroi-de-brique devra rester en place neuf jours,
Pendant lesquels sera à l’honneur Nintu-la Matrice.’ »
(Poème d’Atraḥasîs, morceau paléo-babylonien du British Museum, BM 92608, traduction provenant de BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993)

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Un des tablettes du poème d'Atrahasîs. British Museum. 

Comme on le découvre ci-dessus, Belet-îli (Nintu) est la déesse de la matrice et de l’enfantement ; dans le texte « Ligal.e, ou Ninurta et les pierres » il en est de même pour la mère de Ninurta appelée Ninmaḥ. Cette œuvre longue de 729 lignes a été entièrement recomposée grâce à pas loin de deux cent témoins qui sont des tablettes ou des fragments (BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993). Dans ce récit, Ninurta attriste sa mère Ninmah qui avait été l’épouse d’Enlil à cette période. En effet, Ninmah reproche à son fils « d’être passé prestement devant elle lorsqu’il eut triomphé, d’être passé devant elle sans même lui accorder un regard ». Les propos qu’elle tient à l’égard de son fils sont forts :

« Une fois, cependant, il attrista le cœur d’une femme : sa mère, Ninmaḥ, qui en perdit le sommeil, sur sa couche où, se souvenait-elle, elle l’avait conçu !
Son corps vêtu d’une toison de laine, semblant une brebis, une brebis pas encore tendue.
Elle se complaignait aigrement que lui fût fermée la Montagne :
‘Le seigneur (disait-elle), dont la Montagne n’a pu soutenir l’auguste puissance,
Le sublime Champion, que nul ne peut approcher quand sa fureur s’enflamme,
Tempête qui s’abat, déversant tout son venin sur la terre, le Seigneur, le ‘souffle’ d’Enlil, digne de la couronne, le champion trop haut placé pour recevoir des ordres…’ »
(Ligal.e, ou Ninurta et les pierres morceau – ligne 370-375 , traduction provenant de BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993)

Ninurta est à l’opposé plein de bienveillance envers sa mère « qui a voulu gagner la Montagne et le suivre jusque dans la contrée rebelle même au milieu des horreurs de la guerre ». Il lui donne dès lors le titre de la dame des monts (Nin hur. Sag). Ninurta raconte que les montagnes sont la résidence de sa mère et que ses vallonnements produisent des herbes aromatiques et que les franges fournissent du vin et du miel. Sur les pentes des montagnes croissent cèdres, cyprès, genévrier et buis. Ses montagnes sont le berceau d’un jardin produisant de beaux fruits mûrs. Ce jardin peut faire penser au jardin d’Eden et celà se confirme lorsqu’on étudie les tablettes de Kharsaǧ. Ces textes ont été découverts en Irak au 19ème siècle et ils datent du 3ème millénaire avant Jésus-Christ. Anton Parks a confirmé la localisation du jardin d’Eden sur les hauteurs de Turquie (monts KARA-DAĞ dont le nom est très proche de la cité de Ninmah invoquée dans les tablettes de Kharsaǧ). Je cite ici pour référence les traductions françaises des tablettes de Kharsaǧ réalisées par Anton Parks. Elles sont disponibles depuis octobre 2011 dans son étude intitulée : « Eden ». Ninhursaǧ y est dénommée la « Dame serpent » et Enlil « le « splendide serpent aux yeux brillants ». Nous découvrons dans ces tablettes une description très élaborée de ce jardin et les premiers temps de l’humanité qui rampait encore à 4 pattes. Ninhursag est la reine de la cité. Enki est chargé d’appliquer les ordonnances d’Enlil. Il apprend à l’humanité que « le fer ne sert pas à tuer mais à couper du bois ». Je ne peux m’attarder sur cette œuvre extraordinaire tant les passages intéressants sont nombreux. L’étude des tablettes de Kharsag nous confirme le rôle de Ninmah en tant qu’arbre de la connaissance dans le jardin d’Eden, celui-ci étant localisé dans les montagnes du nord de la plaine mésopotamienne.

Ninmah (Ninhursaǧ) a été l’épouse d’Enlil, mais d’autres textes anciens nous apprennent qu’il n’en fut pas toujours ainsi. En effet le poème « Enki et Ninmah » nous raconte qu’Enki fut également l’époux de Ninmah en Dilmun (peut-être les îles de Baḥraïn-Failaka). Le poème « Ligal.e, ou Ninurta et les pierres » n’est y pas contradictoire à cette idée lorsqu’on sait que Ninmah lie l’orgueil de son fils à celui de son père. Ceci est un indice qui peut laisser penser que cette déesse ne fut pas toujours unie à Enlil. Cette idée est confirmée notamment par le poème « Enlil et Ninlil ». Ce poème est connu par une vingtaine de manuscrits fragmentaires retrouvés à Nippur (BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993). Il précise que Ninlil est la Jouvencelle d’Enlil et que Nunbaršegunnu est l’Ancienne d’Enlil. Un jour, Nunbaršegunnu avertit Ninlil encore vierge afin qu’elle ne croise pas le seigneur au regard luisant sous peine d’être mise enceinte (noter l’appellation étonnamment proche du nom donné à Enlil dans les tablettes de Kharsaǧ). Dans un premier temps, elle refuse les avances d’Enlil en expliquant notamment que sa mère et son père ne l’accepteraient pas. A l’aide de son page Nuska qui lui fournit une barque (son architecte de l’Ekur), Enlil parvient à la rejoindre et à la féconder. L’assemblée des dieux vont dès lors le bannir.

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"Enki et Ninmah" 

En respectant l’idée selon laquelle les mythologies sont dérivées les unes des autres, nous retrouvons un passage évocateur de l’apparition de la nouvelle épouse d’Enlil dans l’hindouisme. Ninmah y porte le nom de Saravastî (Sâvitrî), celle-ci étant considérée comme la déesse hindoue de la sagesse et de la connaissance. Dans un distique du Matsya Purâna (WILKINS W. J., 2006), on dévoile que Sâvitrî délaisse Brahmâ alors qu’elle est nécessaire pour l’accomplissement de sacrifices afin de préserver la verdure et la vigueur des trois mondes. Un prêtre est chargé d’aller la chercher mais il n’y parvient pas. Pour accomplir les rites, Indra se met à la recherche d’une nouvelle épouse. Il rencontre une laitière appelée Gâyatrî portant un pot de beurre qui était jeune, belle et souriante. Celle-ci devient son épouse. Elle est emmenée dans les appartements de  Sâvitrî pour être parée des plus beaux vêtements et bijoux. C’est alors qu’arrive sur le lieu du sacrifice Sâvitrî. Celle-ci voit la laitière dans ses appartements et les prêtres occupés à réaliser les rites pour le sacrifice et elle rentre dans une colère folle. Il semble que ce récit explique bien des choses et je vous reporte ici la traduction en partie réalisée par WILKINS W. J., 2006 :

« Oh Brahmâ, dit-elle, as-tu toi-même conçu si coupable dessein que tu veuilles me répudier, moi, ta femme légitime ? N’as-tu aucune honte à te laisser pousser, par amour, à un acte aussi condamnable ? Toi que l’on dit père des dieux, des vénérables sages, comment peux-tu agir ouvertement d’une manière qui, n’en doute pas, suscitera la dérision dans les trois mondes ? Mais comment montrer mon visage ou, délaissée par mon époux, me donner le titre d’épouse ? »
Un peu plus loin dans le récit :

« Sâvitrî s’exclama : ‘ ¨Par les pouvoirs que j’ai acquis de la pratique du tapas, puisse Brahmâ ne jamais être adoré en aucun temple ni aucun lieu, si ce n’est un seul jour par an. […] Et quant à toi, Indra, qui menas cette laitière à Brahmâ, tu seras enchaîné par tes ennemis, retenu en terre étrangère, et tes ennemis occuperont la cité’. Elle dit encore s’adressant à Vishnu : ‘Et toi, qui l’as donnée en mariage à Brahmâ, tu naîtras parmi les hommes, par la malédiction de Brhigu, et tu endureras le supplice de voir ta femme ravie par tes ennemis ; longtemps aussi tu erreras, humble gardien des troupeaux !’ »
Encore un peu plus loin dans le texte :
« Après avoir prononcé ces malédictions, Sâvitrî quitta l’assemblée, suivie de Lakshmî et des autres déesses, qui annoncèrent très vite leur intention d’y retourner. Sâvitrî, s’enflammant de colère, leur parla en ces termes : ‘Puisque maintenant, Lakshmî, tu m’abandonnes, puisses-tu ne jamais mener une existence stable et toujours demeurer avec le vil, l’inconstant, le méprisable, le criminel, le cruel, l’insensé, le barbare ! Quant à toi, Indrânî, (autre nom de Gâyatrî) quand Indra se verra accuser d’un meurtre d’un brahmane parce qu’il aura tué le fils de Tvashtri, alors Nahusha obtiendra son royaume et s’écriera, désireux de t’obtenir aussi : ‘Ne suis-je pas Indra ? Pourquoi donc la jeune et la belle Indrânî ne veut-elle pas de moi ? Si je ne l’obtiens pas, j’exterminerai tous les dieux’ ».

L’arbre de la connaissance Ninmah fut l’une des reines du monde avec son époux Enlil. Elle était la mère des Anunnaki. Sous les traits de Ninhursaǧ, elle symbolise une femme attachée aux Montagnes de Kharsag dans lequel fut implanté le jardin d’Eden. Dans ce paradis terrestre, elle a animé l’homme et elle lui a permis de distinguer le bien du mal et d’ainsi ouvrir son intellect. Adam et la nouvelle Eve vont devoir quitter ce paradis. Lorsqu’Enlil s’unit à sa nouvelle épouse, Ninmah est folle de colère mais finit par accepter cette situation. En Dilmun, elle deviendra temporairement l’épouse d’Enki, un grand généticien. Par ses nombreuses tentations et aventures, la confiance que Ninmah lui portait disparaitra. Elle lui retirera ainsi son « regard de vie ». Mais elle finira par lui pardonner ces infidélités en participant notamment à son embaumement sous les traits de Serkit (déesse des naissances) avec Hathor, Nephtys et Neith. Cette déesse matrice restera à tout jamais une des mères de l’humanité et également des dieux.

Sources bibliographiques
- BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993. Lorsque les dieux faisaient l’homme. Editions Gallimard. 755 p.
- DUSCHESNE-GUILLEMIN J., 1986. Origines iraniennes et babyloniennes de la nomenclature astrale. Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Volume 130, numéro 2. pp. 234-250.
- O’BRIEN C & JOY O’BRIEN B., 1999. The genius of the few. Dianthus Publishing Limited, The Pool House, Kemble, Cirencester, England. 372 p.
- PAINCHAUD L., FUNK WP., BRITISH LIBRARY, 1995. L’écrit sans titre. Traité sur l’origine du monde (NH II, 5 et XIII, 2 et Brit. Lib. Or. 4926 [1]). Les presses de l’université Laval, Québec, canada. 622 p.
- PARKS A., 2007. Les chroniques du Gírkù. Ádam Genesis. Editions Nouvelle Terre. 516 p.
- ROUX JP., 1967. Le lait et le sein dans les traditions turques. L’Homme. Volume 7, numéro 2. pp. 48-63.
- WILKINS W. J., 2006. Mythologie hindoue, védique et pouranique. L’Harmattan. 398 p.
Et un bouquin incontournable qui complète depuis peu (le 26 novembre 2011) cet article :
- PARKS A., 2011. Eden. Editions Nouvelle Terre. 264 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:05
Généalogie des dieux mésopotamiens, hymnes et prières


Cet article aborde la généalogie des dieux mésopotamiens en se basant sur l’ouvrage de Marie-Joseph Seux intitulé « Hymnes et prières aux dieux de Babylone et d’Assyrie ». Le schéma ci-dessus est synthétique. Il est une première ébauche de cette généalogie et devrait probablement être modifié sur certains points pour être correct.

Aux personnes reniant la personnalité à part entière des divinités les plus anciennes, je conseille la lecture du livre suivant : « Hymnes et prières aux dieux de Babylone et d’Assyrie » de Marie-Joseph Seux. L’auteur compile ici des prières et hymnes dédiées aux divinités mésopotamiennes. Cette compilation de textes anciens akkadiens et sumériens est une base d’étude pour celui qui désire mieux comprendre et découvrir les divinités mésopotamiennes


En synthétisant les informations de ces hymnes et prières et en recoupant les répétitions, on redécouvre de manière assez précise une généalogie de tout un panthéon de divinités. La généalogie de cette famille représentée ci-dessous sous forme synthétique. Le schéma est relativement simple par soucis de clarté. Il reste avant tout un point de départ et il n’est pas forcément juste en réalité sur tous les points. Pour certaines divinités, il reste toujours un certain flou qu’il convient de faire disparaître par davantage de recoupements et vérifications .

Généalogie des dieux mésopotamiens. Les dieux en rouges portent le titre de "roi des cieux et de la terre". An et Ishtar en bleu son parèdres. Merci de mentionner la source de cette image si vous la réutilisez.
Certains personnages ont une place importance dans cette généalogie mais ils ne sont pas représentés pour plusieurs raisons :

-         leur généalogie est incertaine. Ex : Nabû qui est fils d’Asari (Enlil) et à la fois fils héritier de Nudimmud.
-         leur fonction est importante mais on ne  connaît pas ou peu leur filiation dans les textes. Ex : Dumuzi qui est l’amant d’Ishtar et le fils d’Éa, mais les textes compilés dans l’ouvrage de Marie-Joseph Seux ne précisent pas qui est sa mère.

Comme la généalogie présentée ici le dévoile, bon nombre de divinités ont une multitude de noms. Pour certains d’entre eux, je n’ai pas repris la liste complète pour ne pas trop encombrer le schéma. Empiriquement, le nombre de titres est proportionnel à l’importance d’une divinité. On peut s’en rendre compte notamment avec la déesse de l’amour et de la guerre qui présente une liste assez longue de titres et de surnoms. Ils sont d’autant plus nombreux lorsqu’on retrouve les correspondants dans d’autres régions du monde. On peut facilement admettre que les croyances dédiées aux divinités les plus vénérées et les plus « importantes » se soient propagées davantage géographiquement, ce qui peut expliquer leur nouvelle appellation dans d’autres langues.

Lorsqu’on étudie ces textes, on se rend compte de la précision et la fois la complexité de ce panthéon. Chaque dieu a sa place et une histoire qui lui est propre. On va bien au-delà d’une simple dédicace au dieu du soleil comme on pourrait le croire naïvement, notamment avec Shamash le dieu du soleil mésopotamien. On compare bien cette divinité au soleil mais davantage dans un souci glorifique. Ce Dieu roi des cieux et de la terre a une place très précise dans le panthéon. Je cite ici une prière dédiée à Shamash (dieu akkadien) qui illustre la minutie que l’ont peut rencontrer dans les textes découverts en Mésopotamie :

Shamash, fils d’Anu, sou[verain des Igigu],
Shamash, fils héritier, qui illumines les cieux et la terre,
Progéniture de Sin et de Ni[ngal],
Seigneur de Sippar, protecteur de l’Ébabbar,
Aimé d’Aya, la bru qui habite dans les cieux purs,
Shamash, lorsque tu sors des cieux purs,
Lorsque tu franchis la montagne de Cyprès,
Que Bunéné, le ministre, te souhaite un cœur joyeux,
Que Droiture vienne à ta droite,
Que Justice vienne à ta gauche ;
Le premier de tous les pays, c’est toi !
Le Juge éminent, qui assure la justice au pays d’en haut et (au pays) d’en bas, c’est toi !
(Extrait, p 216-p 217).



Ce Dieu solaire est appelé Utu en sumérien. Il est jumeau d’Ishtar. Il portera le même titre « roi des cieux et de la terre », tout comme Enlil son grand-père, laissant suggérer que Shamash est son successeur. Shamash/Utu est incontestablement le dieu de la Justice en Mésopotamie. Notez que lorsqu’on donne pour père Anu, cela ne signifie pas père au sens strict du terme. La fonction solaire de Shamash est probablement liée aux vertus de luminosité, d’abondance, du soleil. De plus il est très courant de comparer les divinités aux astres du ciel. Le soleil est un symbole fort de royauté qui prédominera en Egypte notamment. Cette association au soleil peut compliquer l’identification d’un bon nombre de divinités. A titre d’exemple, Erra (le Râ égyptien) est également un dieu solaire et clairement distinct de Shamash.

L’étude des textes anciens reste et restera encore l’une des meilleures méthodes pour redécouvrir les parentés entre les divinités. Les dieux mésopotamiens sont les plus anciens du monde. Leur expansion s’étant propagée à partir du Moyen-Orient et les multitudes de témoignages que nous ont laissés les tablettes d’argile sont de très précieux outils à utiliser sans retenue pour avancer dans ce vaste champ de recherche.

Référence bibliographique
SEUX M.-J., 1976. Hymnes et prières aux dieux de Babylone et d’Assyrie. Littératures anciennes du Proche-Orient. Les éditions du cerf, Paris. 558 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:06
La tour de Babel a-t-elle existé ?

Au travers de plusieurs textes anciens mésopotamiens mais notamment juifs, redécouvrons quel était le contexte de la construction de la tour de Babel.

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Prospectus "Turris Babylonica" de la section Cinquantenaire des Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles. Photographie. 

Nous connaissons tous le célèbre récit de la tour de Babel qui est responsable de multiplication des langues sur Terre. Mais est-ce juste un mythe ? A-t-il une origine autre que biblique ? Finalement peut-on envisager que ce récit est plus qu’une légende ? Comme toute recherche se basant sur des textes anciens il n’est jamais possible d’être exhaustif, néanmoins au travers de plusieurs textes anciens et notamment mésopotamiens, il nous est possible de corroborer ce fait par de nombreux canaux divers et de découvrir davantage sur l’origine des langues au travers des mythologies et religions.

Le récit de la tour de Babel se trouve dans l’ancien testament (Genèse 11). Le passage n’est pas très long, il est retranscrit ci-dessous :
« Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’orient, ils trouvèrent une vallée au Pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre : ‘Allons ! Faisons des briques et cuisons-les aux feu !’ La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : ‘Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons-pas dispersés sur toute la terre !’
Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : ‘Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leur entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres.’ Yahvé les dispersa de là sur toute la surface de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre. »
(Bible de Jérusalem, genèse 11 : 1-9)

De tous les textes mésopotamiens, nous n’avons pas retrouvé de retranspositions parfaites de ce passage. Néanmoins certains récits s’y apparentent et le complètent. Citons dans un premier temps un texte découvert dans les vestiges de l’ancienne cité de Babylone. Cette inscription nous décrit la reconstruction de l’Etemenanki par le roi babylonien Nabopolassar (BOST H., 1985). Nous y apprenons que cet Etemenanki, la tour à étage de Babylone, avait été détruite et était en ruines. Sur ordre de Marduk, elle devait être reconstruite par Nabopolassar « pour assurer son fondement dans le sein du monde inférieur et son sommet, et pour la faire semblable au ciel ». Les principaux points communs entre le récit biblique de la Tour de Babel et ce récit de Nabopolassar (BOST H., 1985) :

1) la fabrication de briques et leur cuisson,
2) l’utilisation de bitume pour jointoyer

3) et surtout la mention semblable au ciel qui s’apparente au verset 4 de la genèse : « une tour dont le sommet pénètre les cieux » et parfois traduite selon d’autres traducteurs « et sa tête est dans le ciel ».
Les historiens sont certains que la tour de Babel est bien la ziggourat découverte à Babylone ou du moins ce qu’il en reste et qui portait le nom de Etemenanki (« maison du fondement du ciel et de la terre »). On peut faire la correspondance entre Babel et Babylone, dont le nom fut fut donné par la première fois par les grecs. Babylone porte le nom en sumérien de Ka-Dingir-ra et Bab-ili en akkadien (signifiant « porte de dieu » ou « porte des dieux »). Cette tour était associée à l’Esagil, un sanctuaire dont les vestiges ont été découverts à proximité de ceux de l’Etemenanki.

Une célèbre tablette découverte à Uruk appelée la « Tablette de l’Esagil », écrite en 229 avant notre ère,  décrit très précisément les dimensions de la ziggourat de Babylone : à savoir 3 x 60 coudées par côté ce qui équivaut à environ 90 mètres environ. Ces dimensions confirment les découvertes réalisées par des fouilles allemandes sur les vestiges de Babylone (ISELIN C.). L’Esagil était un temple dont la forme peut faire penser à un L. C’était la demeure de Marduk dont les descriptions lui donnaient notamment le nom de « montagne des contrées » ou de « palais des dieux ». La tablette de l’Esagil précise que le nombre d’étages de cette tour était de 8 (7 selon Hérodote).

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Tablette de l'Esagil localisée au Musée du Louvre.

Un texte très connu appelé « Enûma Eliš » décrit la construction de la tour à étage de Babylone dans ses premiers temps. Ce poème babylonien de la création a été découvert à Ninive. Il fait l’éloge de Marduk qui était le roi du ciel et de la terre. Les Dieux Annunaki prennent la décision de créer un sanctuaire dédié en l’honneur de Marduk. Il s’adrèssent à lui :

« ‘Faisons le Sanctuaire dont le Nom a été prononcé par toi !
Tes appartements seront notre étape : nous y prendrons repos !
Jetons-les-bases de ce Sanctuaire, où sera installé notre Divan :
Chaque fois que nous y viendrons, nous y prendrons repos !’
Marduk, lorsqu’il eut ouï cela, ses traits brillèrent infiniment,
Tel le plein-jour : ’Faites donc Babylone, (dit-il),
Puisque vous en voulez assumer le travail !
Que soit apprêté son briquetage, puis dressez son faîtage !’
Les Anunnaki creusèrent le sol de leurs houes,
Et, une année durant, ils moulèrent des briques ;
Puis, à partir de la seconde année,
De l’Esagil, réplique de l’Apsû, ils élevèrent le faîte.
Ils construisirent de même la haute Tour-à-étages de ce nouvel Apsû.
Et ils y aménagèrent un Habitacle pour Anu, Enlil et Éa.
Alors, en majesté, il y vint prendre place devant ces derniers.
Depuis le pied de l’Ešarra. on en pouvait contempler le pinacle !
Une fois parachevée l’œuvre de l’Esagil, tous les Anunnaki
Y aménagèrent leurs propres Lieux-de-culte :
Trois-cents Igigi du Ciel, et six-cents avec ceux de l’Apsû y étaient rassemblés, au total !
Le Seigneur, dans le Lieu-très-auguste qu’ils lui avaient édifiés pour Habitacle,
A son banquet invita les dieux, ses pères »
(BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993)

Un autre texte très ancien est à lier au récit de la Tour de Babel quant à l’origine des langues : « Enmerkar et le seigneur d’Aratta ». Ce texte découvert en 6 exemplaires a été étudié par S. N Kramer et (Lambert M, 1955). Il confirme l’idée selon laquelle le monde était régi dans un premier temps dans une seule langue. Il raconte la lutte de pouvoir entre le Seigneur d’Aratta et Enmerkar. Celui-ci souhaite bâtir divers temples dont le temple d’Abzu de la cité d’Eridu.

« Autrefois, il n’y avait ni serpent ni scorpion,
Il n’y avait ni hyène ni lion,
Il n’y a avait ni chien sauvage ( ?) ni loup,
Il n’y avait ni frayeur ni terreur,
L’homme n’avait pas de rival,
En ces jours, le pays de Shubur et d’Hamazi,
Sumer au langage harmonieux ( ?), le puissant pays des décrets princiers,
Uri, le pays qui a tout ce qu’ul faut ( ?)
Le pays de Martu, reposant en sécurité,
L’univers entier, les peuples à l’unisson ( ?)
A Enlil, en une seule langue…
Alors a-da le seigneur, a-da le prince, a-da le roi
Enki a-da le seigneur, a-da le prince, a-da le roi
A-da le seigneur, a-da le prince, a-da le roi
Enki, le seigneur de l’abondance (dont) les commandements sont dignes de confiance
Le seigneur de la sagesse, qui comprend le pays,
Le chef des dieux, rempli de sagesse, le s(eigneur) d’Eridu,
Changea le discours dans leur bouche, (apporta ( ?) en lui la discorde.
(Enmerkar et le Seigneur d’Aratta, BOST H., 1985).

Dans Enmerkar et le Seigneur d’Aratta, c’est Enki qui apporte la discorde entre les peuples du monde, alors que c’est Yavhé qui est traditionnellement considéré comme le responsable dans plusieurs versions du récit de la tour de Babel. Dans le Targum (la traduction de la bible hébraïque en araméen), des anges sont chargés par Dieu de provoquer des tensions entre les peuples en leur apportant chacun une nouvelle langue et une écriture. Un extrait assez évocateur nous explique cette tragédie :

«  Alors Yahvé dit aux soixante-dis anges qui se tiennent devant lui : ’venez donc ! Descendons pour confondre là-bas leur langage pour qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres’. La parole de Yahvé se manifesta sur la ville et avec lui les soixante-dix anges correspondant aux soixante-dix peuples, chacun ayant avec lui la langue de son peuple et dans sa main les caractères de son écriture. Il les dispersa de la surface de la terre en soixante-dix langues : l’un ne pouvait plus savoir ce que l’autre voulait dire et ils se tuaient entre eux et ils cessèrent de bâtir la ville ».
(BOST H., 1985).

D’autres documents juifs décrivent sous de nouveaux aspects la construction et la destruction de la Tour de Babel. Citons un passage du Livre des Jubilés (Jub 10 : 18-27), un pseudépigraphe qui se prétend être la révélation secrète de l’ange de la Divine Présence à Moïse. Le récit biblique de la tour de Babel y est repris en partie mais on y retrouve des modifications, des additions et des développements. La Tour est détruite par l’intervention du Seigneur qui fit souffler un vent puissant contre elle.
Le Talmud qui est un des textes fondamentaux du judaïsme rabbinique évoque également la construction de la tour. Les raisons qui ont poussé à cette édification sont : monter au ciel pour y demeurer, monter au ciel pour y pratiquer l’idolâtrie ou soit pour y faire la guerre à Dieu (étonnant pour un être « non matériel »). Dieu répondra par diverses actions : les hommes vont être dispersés, il va confondre la langue des hommes et pour les derniers ils vont être transformés en singes, en spectres ou en démons. Dans le Midrach (étude approfondie de textes bibliques qui commentent plusieurs versets), l’intervention de Dieu a pour effet d’enfouir un tiers de la tour, d’en détruire un tiers par le haut, et de laisser le tiers central comme vestige. La confusion des langues va engendrer la mésentente, la violence et le meurtre. Ces conséquences sont également invoquées dans des textes plus récents, tel que le IIIème livre des Oracles Sibyllins (lignes 97-110) :

« Or quand ce fut le moment de s’accomplir pour les menaces que le Grand Dieu avait proférées jadis contre les mortels lorsqu’ils avaient entrepris d’édifier une tour au pays d’Assyrie (ils étaient tous de même parler et voulaient s’élever jusqu’au ciel étoilé), l’Immortel aussitôt chargea les souffles de l’air d’une grande violence et ces vents jetèrent à bas la grande tour et excitèrent entre les hommes une mésentente mutuelle : voilà pourquoi les mortels donnèrent le nom de Babylone à la ville.
Lorsque la tour fut tombée et que les langues des hommes furent altérées en parlers de toute espèce, toute la terre se remplit de rois locaux. C’était alors la dixième génération d’hommes sortis du sol, depuis que le déluge s’était abattu sur les premiers humains. Et Cronos, Titan et Japet (père de Prométhée) devinrent rois… »
(BOST H., 1985).

Je terminerai ce petit tour non exhaustif concernant les textes apparentés ou liés à la tour de Babel avec le manuscrit écossais Dumfries N° 4 de 1710. Ce manuscrit franc-maçonnique est daté par le British Museum au début du XVIIIème siècle. Bien qu’il soit très récent, il apporte des informations en concordances avec les récits cités ci-dessus. Nous y apprenons que c’est Nemrod qui va enseigner aux hommes les techniques permettant la construction de la Tour de Babylone. Ce personnage biblique présente des caractéristiques qui le rapprochent selon moi de Thôt ou d’Imhotep. Dans le manuscrit Dumfries N°4, on décrit Nemrod comme suit : « puissant devant le Seigneur ». Avec les particules akkadiennes et sumériennes, on peut également confirmer ce sens : NÈ-EM-RU-UD : « la puissante tempête à la lumière du Seigneur ».

« Après le déluge, le grand Hermorian fils de Cush et Cush était le fils de Cham, second fils de Noé fut appelé ‘le père de la sagesse’, car il trouva ces colonnes après le déluge avec les sciences inscrites dessus : il les enseigna, lors de la construction de la Tour de Babylone, où il fut appelé Nemrod ou ‘puissant chasseur devant le Seigneur’ .
Nemrod pratiqua la maçonnerie à la demande du roi de Ninive son cousin. Il créa des maçons et les recommanda au seigneur du pays pour construire toutes sortes de constructions alors en vogue, et il leur enseigna des signes et des attouchements pour qu’ils puissent se reconnaître. »
(Traduction provenant du site de PRESTON W. : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Au regard des croyances anciennes et de l’archéologie, il nous est possible d’admettre que la tour de Babel a bien existé et qu’elle fut localisée à Babylone. Les textes relatant ses dimensions ne sont pas tous unanimes sur la hauteur, nous laissant suggérer que cet édifice n’a peut-être jamais connu la hauteur à la quelle elle devait être construite. La destruction de cette tour est rendue responsable notamment par le passage d’une langue unique à une multitude. Il n’est pas impossible de retrouver dans cette histoire un reflet de la création de nouvelles langues anciennes au départ du sumérien ou de l’akkadien, l’étude des langues anciennes nous confirmant celà.

Sources bibliographiques :
- BOST H., 1985. Babel. Du texte au symbole. Labor et Fides, Genève. 268 p.
- BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993. Lorsque les dieux faisaient l’homme. Editions Gallimard. 755 p.
- CHAVALAS M. W., 2006. The Ancient Near East : historical sources in translation. Blackwell Publishing, USA. 445 p.
- CHIFFLOT T-G., 1955. La Bible de Jérusalem. L’Ecole biblique de Jérusalem. 2117 p.
- DIEULAFOY M., 1914. Le temple de Bêl Mardouk à Babylone. Note complémentaire. Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Volume 58, numéro 4. pp. 437-444.
- ISELIN C. Tablette dite de l’Esagil. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] le 29/03/2011.
- LAMBERT M., 1955. Le jeu d’Enmerkar. Syria. Volume 32, numéro 32-3-4. pp. 212-221.
- PARROT A., 1970. Bible et archéologie ; 1: Déluge et arche de Noé. (4e éd. complétée.), 2. La tour de Babel. (3e éd. complétée). Delachaux & Niestlé, Paris. 123 p.
- PRESTON W. Le manuscrit Dumfries n°4. Loge d’étude et de recherche. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] le 20/03/2011.
- SEUX M.-J., 1976. Hymnes et prières aux dieux de Babylone et d’Assyrie. Littératures anciennes du Proche-Orient. Les éditions du cerf, Paris. 558 p.

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Dim 22 Sep 2019 - 19:08
Le poème d’Erra

Une épopée grandiose résumée dans cet article  nous raconte la glorification d’un dieu mésopotamien Erra. 


Une des plus belles et des plus riches épopées mésopotamiennes est le poème d’Erra (également appelé le poème d’Irra). La découverte de ce poème datant du 1er millénaire avant Jésus-Christ a été exposée pour la première fois par G. Smith en 1875. Aujourd’hui, les fragments dépassent la cinquantaine. Par les recoupements de ces fragments, nous avons pu reconstruire ce texte qui devait comporter dans son intégralité 700 vers répartis sur 5 tablettes. Cet article se base en grande partie sur la traduction  de Jean Bottéro et de Samuel Kramer que l’on retrouve dans un livre de référence que je conseille très vivement : « Lorsque les dieux faisaient l’homme ». J’ai décidé de vous transmettre ici un résumé de cette histoire agrémentée de commentaires. Le poème d’Erra est déroutant pour beaucoup d’aspects, et mérite qu’on s’y attarde…

Comme son nom l’indique, ce poème se concentre sur le dieu Erra, un dieu guerrier. Il vante ses exploits guerriers et ses relations destructrices à l’encontre de l’humanité et des dieux. Au début du récit, le dieu du ciel An arrête les destins de 7 dieux qu’on nomme « les Sept ». Si le tapage des habitants du monde lui semble pénible, An invite Erra à les utiliser dans son armée pour massacrer les hommes et les animaux. Nous retrouvons ici une raison apparentée à celle qui a provoqué le Déluge. Les Sept tentent de faire sortir Erra de son lit, qui préfère rester allongé à faire l’amour avec sa femme Mammi. Ils l’incitent à la haine, à la gloire et au respect que la guerre peut accorder. Ils font remarquer que le surplus d’animaux est néfaste pour la terre arable. Les bergers l’implorent pour le bétail qui est abattu par des lions et des loups. Après avoir entendu la requête des Sept, Erra décide de partir en guerre.
Išum, son capitaine, tente de le raisonner afin de l’empêcher de faire du mal contre les dieux, de saccager le pays et d’anéantir les populations. Erra invoque le fait que les hommes le méprisent, alors que tous les dieux redoutent sa bellicosité. Comme les ordres de Marduk (le roi des dieux) ne sont pas respectés, Erra se rend en l’Esagil (le palais de l’univers) pour enflammer la colère de Marduk et l’éloigner de sa résidence. Son argumentation s’oriente autour de « sa précieuse image » qui a sa surface encrassée la privant ainsi de son éclat.
Marduk refuse de quitter sa demeure pour plusieurs raisons :
- pour l’avoir déjà fait auparavant, il a provoqué le Déluge occasionnant ainsi une baisse de la production, de la croissance des êtres vivants. Il a dû se charger en personne du réensemencement des êtres vivants et de la reconstruction de son temple pour s’y réinstaller.
- s’il quitte sa demeure, les Anunnaki vont monter des enfers abattre les vivants et qui les repoussera avant que Marduk puisse reprendre ses armes
- à la suite du déluge, sa précieuse image avait son aspect terni. Il est difficile de retrouver les techniciens survivants du Déluge qui ont contribué à la redorer. De plus, les matériaux tels que le bois, l’ambre-jaune, le saphir, les gemmes nécessaires à l’opération sont difficilement disponibles. Finalement Erra parvient à convaincre Marduk. Il lui garantit une bonne gouvernance en son absence et termine son discours par des propos délectables aux oreilles de Marduk : « Et même, dans ce temple, quand tu le réintégreras, Prince Marduk, à gauche et à droite de ta porte, je ferai se tenir accroupir, comme des bœufs, Anu et Enlil ». Cette phrase à elle seule confirme qu’Erra et Marduk sont alliés et opposés à ces 2 divinités.

Une fois accepté la demande d’Erra, Marduk se dirige vers la demeure des Anunnaki. Les mauvais-vents se lèvent et le ciel s’obscurcit causant ainsi la fuite des Igigi au ciel et celle des Annunaki au fond de l’enfer. Nous sommes face probablement à un chaos provoqué par Marduk qui a quitté sa demeure. Les lignes qui suivent sont malheureusement perdues et concernent la restauration de la précieuse-image de Marduk. Dans la suite du récit non détériorée, Erra se décide à partir en campagne afin de ruiner le pays, et tous ses habitants jusqu’au dernier. Il déclare notamment :
- déclencher des hostilités d’une cité à l’autre
- faire dévaler les bêtes de la montagne pour qu’elles saccagent les rues
- introduire un porte-malheur dans le temple des dieux
- pervertir le discours des hommes engendrant ainsi des blasphèmes,
- chasser les travailleurs des campagnes…
En résumé, il décide d’introduire le chaos généralisé dans le pays.

A la vue du sang versé, Enlil a quitté sa résidence sans vouloir y rentrer. Il a juré de ne plus jamais réintégrer l’Ékur (Son temple sacré à Nippur) par dégoût du sang versé. Išum, tente de comprendre pourquoi Erra agit contre les dieux et les hommes. Erra lui rétorque en le rabaissant que le roi des dieux a délaissé son siège et sa couronne, relâchant ainsi la ceinture des dieux et des hommes. Išum semble flatter Erra en rappelant sa suprématie sur la terre, en précisant qui dispose de Šuanna (Babylone) et qu’il commande en l’Esagil. An l’écoute et même Enlil l’obéït. Il précise qu’il a modifié ses apparences divines pour introduire Babylone. Il a provoqué le trouble chez les Babyloniens qui ont commencé à se rebeller et à incendier les édifices sacrés, tandis que l’Imgur-Enlil criait pitié. Ceci était destiné à pousser le capitaine de son armée Išum au pire. En effet, Erra suite à cette ruse, déclare dès lors que les habitants de Babylone ne respectaient aucun dieu. Le texte précise que sous la protection sacrée d’Anu et de Dagan, il a fait tirer les armes en n’épargnant personne. Marduk s’est alors a juré de ne plus jamais réintégrer l’Ésagil par dégoût du sang versé (alors qu’il s’agit plus haut de l’Ékur pour Enlil).
Erra continue ses destructions. Il détruit le rempart de Sippar la ville de Šamaš. Il a mis à la tête d’Uruk, un gouverneur qui a changé les coutumes et supprimé les rites contre le gré d’Ištar. Celle-ci a alors suscité un ennemi à la ville : les Sutéens. Par l’intermédiaire d’Erra, de très nombreuses villes vont s’entredéchirent et Erra souhaite qu’Akkad se relève et les abatte tous. Il termine sa folie meurtrière en présence des Sept en détruisant la montagne de Ḫîḫi. De retour à son siège, les dieux se tiennent respectueusement devant lui. Erra reconnaît s’être irrité et son capitaine a atténué sa colère. Išum souhaite que la population d’Akkad dispersée redevienne nombreuse et terrasse les Sutéens par l’intermédiaire d’Erra et des Sept. Il veut finalement un retour de l’abondance et un renouveau plus sain. Nous apprenons à la fin du récit que c’est le fils de Dâbibu appelé Kati-ilâni-Marduk qui a reçu cette révélation par Išum. Erra à l’écoute de ce récit qui lui était délectable met en garde tout ceux qui n’exalterait pas à l’avenir sa gloire…


Pour compléter ce résumé, nous pouvons donner des renseignements complémentaires sur les 2 divinités principales de cette épopée, qui sont Erra et Marduk. Tout d’abord concentrons-nous sur Marduk dont les qualificatifs de ce texte sont « prince » ou « roi des dieux ». Suivant l’époque, l’appellation Marduk ne désignait pas toujours la même divinité. Dans un premier temps, ce nom est celui d’Enlil bien qu’on ne connaisse pas son origine. Au travers de très nombreux textes (notamment de nombreuses hymnes mésopotamiennes), nous constatons que Marduk et Enlil ont la même famille : Sa première femme est Ninhursag et sa seconde femme est Ninlil. Leur premier fils et Ninurta, un dieu guerrier par excellence. Par la suite Marduk, est appelé Bêl (signifiant seigneur). Ensuite il semble avoir été absorbé par une divinité originaire de la région d’Eridu, dont le nom est Asarluhi (BLACK J.A. et al., 2006). Une hymne dédiée à ce dieu nous apprend qu’il est le fils d’Ea et on le nomme également Marduk. Il est sage comme son père, doué d’entendement, le déluge puissant, d’un beau physique, le plus qualifié des métallurgistes, conseiller, juge, le grand ministre de l’Eridug, le superviseur de la purification des prêtres de l’E-Abzu ; lorsqu’An a divisé les pouvoirs du ciel et de la terre, les incantations sont du ressort d’Asarluhi (BLACK J.A. et al. « A hymn to Asarluhi»).

Le poème d’Erra semble faire la distinction entre Marduk et Enlil. La phrase la plus explicite (que j’ai déjà citée plus haut) est la suivante : « Et même, dans ce temple, quand tu le réintégreras, Prince Marduk, à gauche et à droite de ta porte, je ferai se tenir accroupir, comme des bœufs, Anu et Enlil ». On doute fort pour Marduk que sa propre statue soit mise à ses pieds comme un bœuf. Le texte reste relativement vague sur les relations entre Marduk et Erra. Contrairement à plusieurs auteurs, je ne suis pas certain de voir une hostilité directe entre ces 2 divinités. Plusieurs passages pourraient nous donner plus de renseignements à ce sujet, mais ils sont malheureusement perdus ou abîmés. Dans le texte en IV : 1, nous en avons malgré un tout un bref aperçu :  Isûm dit à Erra : « Même du Prince Marduk, Erra-le-preux, tu n’as point respecté la gloire ». L’hypothèse qui pourrait expliquer la confusion entre ces 2 divinités serait le transfert du titre d’Enlil vers Asarluhi pour des raisons qui restent à élucider.

L’épopée d’Erra peut évoquer un phénomène céleste dans le départ de Marduk et le réveil de sa colère. Celà peut se voir lorsqu’on dit que « pour avoir déjà quitté sa demeure, Marduk a provoqué le déluge, et la position des étoiles a changé sans qu’elles puissent reprendre leurs places ». Lorsqu’Erra parvient à convaincre Marduk de quitter sa demeure, les mauvais-vents se lèvent, le soleil s’obsurcit, les Igigi fuient au ciel et les Annunaki se réfugient au fond de l’Absû (Cette dernière conséquence étant inversée selon les prédictions faites par Marduk plus tôt dans le récit). La suite du texte, pouvant nous renseigner sur le phénomène, est malencontreusement également perdue. Nous sommes en tout cas probablement face à un phénomène apparenté au Déluge. D’autant plus que Marduk dans le récit précise que, pour avoir fui sa résidence, il a provoqué le déluge. Celà risque de se reproduire s’il la quitte à nouveau. Je renvois à l’article « les origines du Déluge» et l’article « le lion, un symbole pour Vénus » pour plus d’informations à ce sujet.

L’autre grande divinité du poème Erra est un dieu guerrier redoutable, qui souhaite être craint tant par les dieux que par les hommes. Nous voyons dans ce texte, le roi des dieux An intervenir. Il autorise la destruction des hommes, s’ils deviennent trop nombreux. Bien que le poème donne Erra pour principal responsable des destructions généralisées, nous pouvons considérer An comme celui qui tire les ficelles. Il donne à Erra Sept guerriers qui l’inciteront à partir en guerre bien que cela ne soit pas ses occupations principales dans le début du récit. Ce changement d’attitude est identique pour le dieu Nahusha du mythe Hindou (voir l’article « le mythe de Nahusha ») dont des pouvoirs très puissants lui sont offerts par Brahmâ (analogue à An ?). Les ŗshis hindous l’inciteront à devenir le nouvel Indra, bien que ses préoccupations premières soient plutôt la chasse, les dés et les femmes.

Le mythe de Nahusha débute par l’absence de souverain. Indra, le souverain des dieux, se cache, car il est responsable de la mort du dieu Vŗtra (sans doute Enki/Osiris). Dans le poème d’Erra, ceci est suggéré par Erra, lorsqu’il semble remettre en cause le règne de Marduk. En effet selon lui, les hommes n’en font qu’à leur tête en dépit des ordres de Marduk ; il se rendra dans la demeure de cette divinité et convaincra de lui laisser le trône en son absence. Une fois au pouvoir, tout comme Nahusha, il a soif de reconnaissance. Il détruit tout et il massacre tout le monde (tant les mauvais que les justes). Le mythe de Nahusha semble compléter le poème d’Erra qui se termine par une glorification à l’extrême d’Erra, même s’il reconnaît s’être emporté. Le geste de Nahusha envers Agastya le Sage est considéré comme un blasphème par Bhŗgu et Nahusha est condamné à ramper sur terre comme un serpent pendant 10000 années. Indra peut regagner sa place de souverrain du ciel et de la terre mais à une condition : il doit vénérer Vishnou (un autre nom pour Enki/Osiris)…

Sources bibliographiques
- BLACK J.A., BLACK J., GREEN A., & RICKARDS T., 1992. Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia : An Illustrated Dictionary. University of Texas Press. 192 p.
- BLACK J.A., CUNNINGHAM G., FLUCKIGER-HAWKER E., ROBSON E. and ZÓLYOMI G., 1998. A hymn to Asarluhi. The Electronic Text Corpus of Sumerian Literature. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], Oxford. Consulté le 18/04/2011.
- BODI D., 1991. The Book of Ezekiel and the Poem of Erra. Vandenhoeck & Ruprecht GmbH & Co KG. 324 p.
- BOTTERO J. & KRAMER S. N., 1993. Lorsque les dieux faisaient l’homme. Editions Gallimard. 755 p.
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Dim 22 Sep 2019 - 19:08
Merlin, Ambrosius, Lailoken, Marthin, Marzin, Marzen, Myrddin, Merzen

Cet article s’intéresse à des moments de la vie de Merlin moins connus aux yeux du grand public…

Nous connaissons tous sous une forme plus ou moins dénaturée de Merlin. Une des images les plus répandues concerne celles que nous rencontrons au travers de Merlin l’enchanteur ou de Merlin de la légende arthurienne. Je n’aborderai pas ici les relations qu’entretient ce dernier avec la cour du roi Arthur, mais plutôt d’autres aspects moins connus tels que la raison de sa folie, son lien avec la nature, sa triple mort,…

Une des premières images que l’on a de Merlin, dans les textes écrits les plus anciens, est celle d’un chef d’armée courageux et modéré appelé Aurelus Ambrosius autour duquel graviteront des Bretons soummis à leurs adversaires saxons (cf. De excidio et conquestu Britanniae de l’historien breton Gildas, et  Historia ecclesiastica gentis Anglorum du chroniqueur Bède). Avec son aide, les Bretons vont gagner plusieurs batailles clés. Selon les écrits découverts, nous pouvons donner ici un bref aperçu de ses différents noms de Merlin :

Ambrosius : en latin,
Merlinus : en latin,
Lailoken : en latin (Ecosse),
Marthin, Marzin ou Marzen : en breton ancien,
Myrddin : en gallois,
Merzen : en vieux gaëlique,
Merlin : en français.


Dans le texte latin « Historia Regum Britanniae » du gaulois Geoffroy de Monmouth, nous lisons pour la première fois que Merlinus est Ambrosius : « Tunc ait Merlinus, qui et Ambrosius dicebatur : Alors Merlin, qui s’appelait aussi Ambrosius » (FARAL E., 1929). Le récit impliquant Merlin raconte que Wortegirn va usurper le trône du roi breton Constantin en l’assassinant. Les troupes saxonnes venues du Nord vont pousser Wortegirn et son peuple à se retrancher dans le pays de Galle. Pour se protéger, il décide de faire construire une haute forteresse qui s’écroule chaque jour. Merlin, cet enfant sans père, va être capturé par Wortegirn afin de solidifier le mortier de cette tour par le don de son sang. Merlin oriente la solution au problème en pointant du doigt la cause de cette instabilité : chaque nuit un dragon rouge (symbolisant les Saxons) se bat contre un dragon blanc (symbolisant les Bretons), faisant ainsi trembler le sol. Aurelius, un des 2 fils de Constantin venge la mort de son père en détruisant par le feu la forteresse de Wortegirn. Suite à cette victoire, Aurelius souhaite créer un monument capable de défier le temps afin de commémorer la mort de tous les braves tués au combat. Merlin aidera le frère d’Aurelius appelé Uther afin de se fournir en pierres en Irlande. A l’aide des pouvoirs de Merlin, les blocs de pierre peuvent être transportés jusque dans la plaine de Salisbury, afin de former l’actuel Stonehenge.

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Site mégalithique de Stonehenge. 

C’est dans cette fonction de chef d’armée, que Merlin va vivre un évènement très douloureux qui provoquera son exil dans la nature. En effet, plusieurs versions attestent dans ce sens. Le récit le plus explicite est celui de Geoffrey de Monmouth appelé « Vita Merlini ». A la vue de des compagnons tués, dans la bataille qui opposait le peuple gallois du Goddodyn aux Scots d’Ecosse, Merlin rentre dans une très grande tristesse et décide de s’exiler en forêt à l’abri des regards. Touché par la perte des compagnons, il se considère comme le responsable comme nous pouvons le lire dans un texte appelé « Vita Merlini silvestris » conservé dans un manuscrit unique au British Museum. Un court extrait de cette œuvre nous permet de juger du sentiment de culpabilité de Merlin, dont l’autre nom écossais est Lailoken : « je souffre dans ce désert un sort effroyable auquel, parmi les bêtes sauvages, j’ai été condamné pour mes péchés parce que je ne suis pas digne d’obtenir le pardon de mes crimes parmi les hommes : je suis responsable du massacre de tous ceux qui furent tués dans la bataille bien connue des habitants de cette contrée et qui eut lieu sur une plaine entre Lidel et Carwanok » (traduction de WALTER P. & al., 1999).

Merlin rappela ses compagnons hors du combat et il leur ordonna d’ensevelir ses frères dans une chapelle superbement décorée. Il déplorait ses champions sans cesser de répandre des pleurs. Il couvrit ses cheveux de cendre, lacéra ses vêtements et désormais, prostré sur le sol, il s’y roulait en tout sens. Peredur et les autres nobles et chefs offrirent leur consolation mais il ne voulut ni être consolé, ni supporter leurs supplications. Merlin pleura trois jours entiers. Il refusait toute nourriture tant la douleur qui le consumait était immense. Soudain, alors qu’il faisait retentir ses plaintes nombreuses et répétées, un nouvel accès de fureur le saisit : il se retira en secret et s’enfuit vers la forêt, ne voulant pas être aperçu dans sa fuite. 
(Extrait de Vita Merlini de Geoffrey de Monmouth. Source : WALTER P. & al., 1999)


Une des grandes caractéristiques de Merlin est son lien avec la nature. Face à sa douleur, la forêt n’est que le seul endroit dans lequel il peut s’apaiser et dans lequel il retrouve un léger soulagement. Dans Vita Merlini de Geoffrey de Monmouth, sa sœur Ganieda et sa femme Gwendoline sont dans une profonde tristesse, ne sachant pas réellement si Merlin est encore en vie. On le retrouve et on parvient à le convaincre de revenir à la cour. Son rang royal le prédispose à être roi mais il refuse les richesses qu’on lui propose. De plus, il désire se préserver du « fléau de l’amour ». Il retourne en forêt. Sa sagesse et sa capacité à lire dans les étoiles lui permettent de comprendre que sa femme Gwendoline s’est remariée : « Et toi très haute Vénus qui, disparaissant au-delà d’un certain point du ciel, accompagne le soleil dans sa course zodiacale, que dire de ton double rayon qui sépare l’éther ? Cette division n’annonce-t-elle pas que mon amour se sépare de moi ? Un tel rayon est en effet le signe des amours désunis ». Suite à cette vision, Merlin décide d’offrir un cadeau de mariage assez spécial à Gwendoline : surmontant un cerf, il arrive à la cour accompagné d’une harde de cerfs, de daims et de chevreuils. Malheureusement à la vue du fiancé, son cœur se brusque et il fracasse sur le front de nouvel époux les cornes du cerf qu’il chevauchait, le tuant ainsi. Dans sa fuite, il est capturé et enchaîné. Il parviendra à obtenir sa délivrance en révélant un secret pour le moins très embarrassant pour la reine Ganieda : son adultère avec Merlin. Bien que la version de Geoffrey de Monmouth n’évoque que de manière détournée la triple mort de Merlin, d’autres récits nous rapportent (Lailoken, la version écossaise de Merlin) que des bergers envoyés par la reine vont l’assassiner. Il sera précipité d’une falaise, transpercé par un pieu et la tête inclinée dans l’eau.

Certains auteurs n’hésitent pas à lier le dieu gaulois Cernunnos (à prononcer Kernunnos) à Merlin. Tout comme celui-ci, Cernunnos est entouré d’animaux et particulièrement de cerfs. . Cette divinité est représentée dans une posture de Bouddha sur le célèbre chaudron de Gundestrup (cf ci-dessous), laissant suggérer une spiritualité qui n’a pas pu s’acquérir que de la même manière que Merlin, c’est-à-dire isolé des hommes dans la nature. On le retrouve également sur les monuments de Reims, de Vendoeuvres, de Saintes, de Sommerecourt. Ce personnage a toujours la tête surmontée de bois de cerf ou parfois de cornes de boucs. A ses côtés, on retrouve quasi tout le temps un serpent qui présente très souvent la caractéristique d’avoir une tête de bouc. Cet emblème est le symbole par excellence du personnage que l’on nomme Ptah, Amon, Khnum, Min ou Pan. Les ramures de cerf ou les cornes de bouc évoquent le cycle de mort et de renaissance particulièrement cher pour les divinités égyptiennes cités ci-dessus. Comme le signale Yann Brekelien (cf bibliograpghie), Cernunnos est probablement le personnage dont on parle dans le récit gallois du 13ème siècle « Owein et Lunet », ou « la Dame de la Fontaine ». Dans ce récit, Kynon, un des guerriers du roi Arthur, rencontre un homme de la nature entouré d’animaux (cerfs, serpents,…) et qui a un contrôle sur ceux-ci.


Cernunnos sur le chaudron de Gundestrup et Khnum sur une colonne dans le temple de Khnum. Analogie : serpent/sceptre dans une main et la torque (collier funéraire celte) ou la croix ankh dans l’autre main. Les 2 plumes de faucon verticales de Khnum sont remplacées par les ramures pour le dieu Cernunnos.

Le mythe de Merlin doit être vu comme la survivance d’une ancienne tradition religieuse préchrétienne. Il s’est construit autour d’anciennes croyances transmises oralement et transcrites par écrit en grande partie à l’époque médiévale. Les récits sont très nombreux et plusieurs éléments laissent suggérer un emprunt à d’autres mythologies plus anciennes. Je cite pour exemple deux passages assez particuliers : un sur Phoebus et l’autre sur le phénix (cf ci-dessous). Cette mort particulière, ce lien avec la nature et la quête intérieure que Merlin entreprend sont d’autant de raisons pour s’intéresser davantage à ce personnage si mystérieux…

Merlin s’adressant à sa sœur Ganieda : « Face aux autres demeures, fais-en construire une à l’écart avec septante portes et autant de fenêtres : grâce à elles, je verrai Phoebus qui vomit le feu avec Vénus et, dans le ciel nocturne, j’examinerai le mouvement des astres qui m’apprendront les évènements futurs du peuple de ce royaume ».
(Extrait de la ligne 555 à 560 de Vita Merlini de Geoffrey de Monmouth. Source : WALTER P. & al., 1999).

« Dans les terres d’Arabie vit un oiseau unique et pérenne, le phénix. Grâce à son privilège divin, il renaît de son propre corps : lorsqu’il devient vieux, il cherche un lieu surchauffé par la brûlure du soleil. Là, il rassemble un monceau de plantes aromatiques et il construit un bûcher qu’il attise d’un battement rapide d’ailes. Ensuite il se place à son sommet jusqu’à être entièrement consumé. Des cendres de son corps naît un nouvel oiseau et c’est en vertu de cette loi que le premier phénix se régénère éternellement ».
(Extrait de la ligne 1345 à 1352 de Vita Merlini de Geoffrey de Monmouth. Source : WALTER P. & al., 1999).



Sources bibliographiques

- BREKILIEN Y., 1993. La mythologie celtique. Editions du rocher. 444 p.
-D’AMOURS G.,1996. La figure de Merlin : folie ou éveil spirituel ? [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
.  Consulté le 21/06/2011.
-D’AMOURS G.,1996.  Origine et évolution de la figure de Merlin. Mémoire : la problématique du père dans la légende de Merlin. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Université Laval. Consulté le 21/06/2011.
- DE BORON R. & ALEXANDRE M., 2000. Robert de Boron : Merlin : Roman du XIIIème siècle. Librairie Droz. 342 p.
- FARAL E., 1929. La légende arthurienne. Tome III. Paris, Champion. 186 p.
-WALTER P. & al., 1999. Le devin maudit : Merlin, Lailoken, Suibhne : textes et études. Ellug, Grenoble. 252 p.
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