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Arlitto
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Contre-enquête sur L'apocalypse Empty Contre-enquête sur L'apocalypse

Lun 14 Oct 2019 - 10:16
Contre-enquête sur L'apocalypse



"Cet effroyable espoir du Jugement dernier s'accrut dans les calamités qui précédèrent l'an 1000. 

Il semblait que l'ordre des saisons fût interverti, que les éléments subissent des lois nouvelles. Une peste terrible désola l'Aquitaine. La famine ravagea le monde. Les pauvres rongèrent les racines des forêts, plusieurs se laissèrent aller à dévorer des chairs humaines. 

Cette fin du monde si triste était tout à la fois l'espoir et l'effroi du Moyen Age .

" Pour Jules Michelet, le plus grand historien de l'époque romantique, il ne fait aucun doute qu'aux alentours de l'an 1000 les hommes ont cru en l'imminence de la fin des temps et qu'une peur panique a submergé l'Occident. Cette opinion a longtemps prévalu, avant d'être réfutée par une nouvelle génération d'historiens, positivistes. 

Aujourd'hui, le débat n'est pas clos : les héritiers de Georges Duby sont persuadés que des inquiétudes apocalyptiques ont existé entre 950 et 1040. D'autres médiévistes contestent, parfois avec virulence, que les hommes de l'époque aient eu peur de la fin des temps. Pour mieux comprendre cette polémique et tenter de savoir ce qu'il en a été, il convient de reconsidérer les sources et la façon dont elles ont été interprétées. 

A l'approche de l'an 1000, le seul texte à signaler l'existence d'inquiétudes eschatologiques est dû à l'abbé de Fleury, Abbon. 

Dans un écrit adressé vers 994 à Hugues Capet, il dénonce les maux accablant l'Eglise et conclut en réfutant deux erreurs répandues entre 970 et 975 : " Pour ce qui est de la fin du monde, encore jeune, j'ai entendu tenir dans l'église cathédrale de Paris un sermon prêché aux fidèles, selon lequel l'Antichrist arriverait aussitôt accomplis les mille ans, et que, peu de temps après, lui succéderait le Jugement dernier ; à cette prédication, j'ai fait front avec toute l'énergie dont j'étais capable, en m'appuyant sur les Evangiles, l'Apocalypse et le livre de Daniel. " 

Ce clerc isolé serait-il le porte-parole d'un enseignement orthodoxe, luttant contre les millénaristes ? Ou a-t-il cherché à effrayer ses auditeurs de façon à les amener à faire pénitence ? Quoi qu'il en soit, cette anecdote ne permet pas de penser que les croyances millénaristes étaient répandues parmi les foules. La seconde erreur relevée par Abbon est le fait de ceux qui pensent que le monde périra lorsque coïncideront Annonciation et Vendredi saint (qui célèbrent respectivement l'annonce faite à Marie par l'ange Gabriel de la naissance du fils de Dieu et la passion du Christ). Cette coïncidence s'était déjà produite en 908, 970, 981, et devait de nouveau survenir en 1065. Aucune autre source n'atteste la rumeur de 970-975. 

La question millénariste ne représente au total qu'un paragraphe dans toute l'oeuvre d'Abbon, ce qui ne plaide guère en faveur de l'acuité du danger. Son témoignage permet simplement d'affirmer que certains clercs tombaient vers 970 dans l'erreur millénariste et qu'immédiatement la hiérarchie les reprenait en main. Ce n'est pas suffisant pour avancer l'hypothèse de l'existence d'une crise apocalyptique, dont on ne voit pas d'ailleurs comment Abbon aurait pu en venir à bout tout seul. Ajoutons que les deux erreurs dénoncées par l'abbé se produisent trente ans avant l'an 1000 et qu'il n'en signale pas d'autres par la suite.

Au xiie siècle, Sigebert de Gembloux (1030-1112) écrit dans sa Chronique qu'en l'an 1000 on assista à la conjonction de plusieurs phénomènes extraordinaires : " La millième année de l'incarnation du Christ [la venue de Dieu sur la terre sous forme humaine], suivant le calcul de Denys, on vit de nombreux prodiges. Il se produisit le plus grand tremblement de terre jamais vu et une comète apparut. Le 19 des calendes de janvier, aux environs de la neuvième heure, à travers une ouverture du ciel, quelque chose de semblable à une torche enflammée tomba sur la terre avec une longue traînée de foudre ; son éclat était tel que non seulement ceux qui étaient dans les champs, mais aussi ceux qui étaient à l'abri sous les toits périrent lors de l'irruption de la lueur. Peu à peu cette trouée dans le ciel s'évanouit et ensuite on vit comme la forme d'un serpent dont la tête ne cessait de grandir et aux pieds rougeoyants. " 

Se retrouvent ici des images empruntées à l'Apocalypse, notamment le serpent apparaissant dans le ciel. Sigebert amalgame à la date de l'an 1000 des événements survenus à différents moments. Le séisme eut bien lieu en 1000, mais la comète date de 1002. Or la maîtrise de Sigebert en matière de comput rend peu probable une erreur de chronologie. Il a donc volontairement concentré en l'an 1000 des événements spectaculaires survenus à des dates différentes. Mais on aura noté qu'il ne se livre à aucune surenchère, pas plus qu'il ne signale de frayeurs populaires. Son récit atteste une certaine imprégnation du texte de saint Jean, une familiarité avec les images qu'il contient, mais ne prouve en rien l'existence de craintes sur le sort ultime de l'homme. 

Vers 1175, le cistercien Guillaume Godel écrit, quant à lui, que certains hommes crurent la fin du monde arrivée en... 1010 Ñ ce qu'aucun autre écrit n'indique. De nouveau, le texte tient en quelques lignes : " L'année 1010, en de nombreux endroits de la terre, on entendit cette rumeur, et la peur et la crainte emplirent les coeurs de nombreux hommes : beaucoup pensèrent que la fin du monde approchait ; ceux d'un esprit plus sain s'appliquèrent plus attentivement à corriger leur vie, faisant bon usage d'un salubre conseil. " Que vaut ce témoignage, rédigé cent soixante ans après les faits ? 

Peut-être s'est-il inspiré d'Adémar de Chabannes (988-1034). Moine à Saint-Martial de Limoges qui vit cette année-là le Christ en croix dans le ciel, alors que s'étaient multipliées dans la région inondations, famines, sécheresses et éclipses. Mais Adémar ne mentionne aucune inquiétude apocalyptique et relie ces phénomènes et sa vision à la destruction du Saint-Sépulcre. Guillaume Godel ajouterait donc à ce témoignage l'existence de peurs eschatologiques. Bien que les situant en 1010, il serait ainsi le véritable inventeur des terreurs de l'an 1000, sans pour autant leur avoir accordé une attention démesurée. 

Plus rien n'est ensuite livré dans les textes, jusqu'au xvie siècle. Le mythe prend alors de l'ampleur, grâce à l'abbé Jean Trithème (1462-1516), et surtout à l'apôtre de la Contre-Réforme, le cardinal Baronius (1538-1607). Trithème, dans ses Annales d'Hirsau, rapporte que les hommes redoutèrent l'approche de la fin des temps en l'an 1000. Quant au cardinal Baronius, rédigeant ses Annales ecclésiastiques, il consacre plusieurs pages à décrire les événements de 1001, date à laquelle il situe les paniques qui s'emparèrent du peuple. Il donne corps au mythe tout en en réalisant le premier compte rendu critique. 

Aux yeux de Baronius point de doute, les hommes eurent peur, trompés par la coïncidence de fausses prophéties répandues par le diable et de catastrophes naturelles : " Un nouveau siècle démarre. Commence la première année après l'an mille [...]. Selon une vaine assertion de certains, elle aurait été annoncée comme la dernière année du monde ou très proche de celle-là même où devait être révélé cet homme de perdition, celui que l'on appelle l'AntichristCes paroles avaient été diffusées en Gaule, et furent d'abord prêchées à Paris et se répandirent ensuite par toute la terre. Elles trouvèrent crédit auprès de la plupart, furent assurément acceptées par les plus simples avec frayeur, mais furent rejetées par les plus savants. L'abbé de Fleury, Abbon, un homme d'une doctrine et d'une sainteté insignes, témoigne dans son livre l'Apologeticus, écrit pour les rois des Francs Hugues et Robert, père et fils, qu'il dut travailler, parmi d'autres, à réduire cette erreur en s'appuyant sur les Ecritures divines. " 

C'est la première expression d'une analyse critique du phénomène des peurs dites " de l'an 1000 ". César Baronius les met sur le compte de la crédulité des foules, en prenant bien soin de marquer la distinction avec les esprits des savants, qui ne furent presque pas contaminés par l'erreur. 

Baronius a également donné à certains passages des Histoires du moine Raoul Glaber (v. 985-v. 1046), qui couvrent l'époque de l'an 1000, le retentissement qu'ils ont encore de nos jours, en particulier les lignes décrivant la flambée de constructions d'églises une fois achevé le xe siècle. Il y voit la preuve du soulagement des hommes, libérés de la formidable angoisse apocalyptique et désormais désireux de manifester leur foi et leur confiance dans l'avenir en offrant à Dieu de nouveaux temples. 

Lecteurs de Baronius, plusieurs historiens ecclésiastiques des xviie et xviiie siècles reprennent le thème des terreurs, en l'amplifiant, jusqu'à ce que les fièvres littéraires du romantisme confèrent à la légende les atours d'un mythe. Jules Michelet donne à ses lecteurs l'occasion de frissonner ; les " peurs de l'an 1000 " offrent alors aux écrivains républicains, adversaires de l'Eglise, l'occasion de dénoncer le complot des cupides clercs médiévaux répandant la croyance en l'arrivée de la fin du monde pour s'emparer des biens des laïcs effrayés.
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Lun 14 Oct 2019 - 10:17
Un changement se produit cependant dès la fin du xixe siècle. Les positivistes (Dom Plaine, Christian Pfister en France, H. von Eicken en Allemagne) dénoncent dans les terreurs de l'an 1000 un véritable mythe. 

A leur suite, Ferdinand Lot rassemble en 1947 des arguments convaincants. 

Tout d'abord, très peu d'hommes connaissaient la date de l'année en cours. Ensuite, les formules de chartes du style " la fin du monde approchant ", qui pourraient accréditer l'idée d'une vague apocalyptique, ne sont pas spécialement nombreuses aux alentours de la fin du millénaire. Enfin, rien n'atteste l'existence d'angoisses largement répandues, ni l'interruption d'activités liée à la crainte du Jugement dernier. 

Mais fallait-il s'en tenir à l'année 1000 ? En scrutant la période 950-1050, n'allait-on pas découvrir les indices d'une inquiétude eschatologique qui, sans dégénérer en mouvements exaltés, aurait néanmoins imprégné les esprits ? 

Après Henri Focillon en 1952, Georges Duby renouvelle ces perspectives en publiant, en 1967, L'An Mil, recueil de documents commentés où il fait sienne la thèse d'une " inquiétude diffuse ". Sans croire aux terreurs de l'an 1000, il met en lumière une série de signes (missions d'évangélisation, mouvement de la Paix de Dieu) annonçant la montée des angoisses dans le courant du xie siècle. Passant outre au silence des sources, l'historien écrit à la fin de son ouvrage : " Dans les années qui avoisinent l'an mil, la chrétienté sent qu'elle va tout entière franchir le passage. Elle s'y prépare donc en s'appliquant les pénitences que s'imposent les mourants. C'est pourquoi l'on voit tous les rites de purgation, non seulement se multiplier, mais devenir collectifs. " Ainsi, les pogroms, les excommunications, les bûchers d'hérétiques comme ceux d'Orléans en 1022 ou Monforte en 1028 deviennent aux yeux de Georges Duby les preuves d'une volonté purificatrice qui s'explique par " l'attente de la parousie ". 

L'an 1000 constitue dès lors une rupture, faisant succéder un temps d'espoir, marqué par les pénitences et les érections d'églises, à une ère d'angoisses et de chaos. Les hommes du xie siècle débutant auraient eu le sentiment de passer avec Dieu une nouvelle alliance. Georges Duby conclut en ces termes : " Ce fut bien à cet instant, dans l'attente de la fin du monde, que s'opéra la conversion radicale des valeurs du christianisme. " Par conséquent, s'il rejette l'existence d'une peur de l'an 1000 stricto sensu, il admet néanmoins qu'ait régné, jusque dans les années 1030, une attente de la fin du monde ou d'un renouveau messianique, qu'il attribue tantôt à l'ensemble des fidèles, tantôt aux élites. 

Or l'obsession pénitentielle, qui paraît attestée au sein du monde des clercs, n'est pas liée à un sentiment d'urgence né de l'approche de la fin du monde, mais à la volonté tenace, pressante, de faire prendre conscience aux fidèles des oeuvres et des croyances nécessaires à leur salut.

Il n'apparaît pas que la chrétienté tout entière s'apprêtait à " franchir le passage ". De plus, l'économie est faite d'une donnée soulevée en son temps par Ferdinand Lot : qui, en l'an 1000, connaissait la date de l'année en cours ? Comment expliquer enfin que, à l'exception de la prédication entendue par Abbon de Fleury vers 970, nous n'ayons pas conservé trace de prophéties annonçant la fin des temps pour 1000 ? 

Georges Duby ouvrit néanmoins la voie à d'autres chercheurs, qui offrent désormais à leurs lecteurs le vaste panorama des boulevards de l'apocalypse. Ainsi, les partisans de l'existence d'une violente mutation féodale, comme Pierre Bonnassie ou Jean-Pierre Poly, voient une preuve de celle-ci dans les commotions spirituelles qui prirent, selon eux, la forme de mouvements apocalyptiques : la floraison des hérésies ou les ébranlements de la Paix de Dieu. Mais on peut rétorquer, avec Karl Ferdinand Werner ou Dominique Barthélemy, que ni les hérésies ni les textes de la Paix de Dieu ne trahissent d'aspiration messianique : rien dans les canons rédigés alors n'exprime de crainte ni d'espoir apocalyptique. D'une manière générale, faut-il le rappeler, se soucier de son salut ne signifie pas qu'on croit imminente la fin des temps. Oublierait-on que le christianisme est une religion eschatologique ? 

Un ultime argument en faveur de l'existence d'une atmosphère millénariste entre 950 et 1040 est avancé par Richard Landes. Depuis une dizaine d'années, l'historien américain développe la thèse d'un complot des clercs ayant occulté les aspirations millénaristes des foules. On trouverait trace de ce complot dans la manière dont ils auraient rendu compte des hérésies ou manipulé le calendrier pour faire disparaître la date fatidique, ou a contrario. 

Mais revenons plutôt aux textes et à ce qu'ils nous apprennent de manière incontestable. Le terme de millenium est inventé au xviie siècle : il n'appartient donc pas au vocabulaire médiéval. Le livre de l'Apocalypse est souvent lu, cité et commenté, mais il faut prendre garde au fait que, pour les clercs du Moyen Age, il n'est pas nécessairement tourné vers l'avenir, loin de là. L'oeuvre de saint Jean sert à éclairer le présent, à fournir une grille de lecture efficace pour comprendre le sens des événements contemporains. Il y a là une tradition établie au ive siècle et reprise par saint Augustin. L'Eglise parle souvent du Jugement dernier car il s'agit de rappeler constamment aux croyants les risques qu'ils courent, les conditions et les voies du salut. L'inquiétude qui se manifeste est celle du salut, non celle de l'approche de l'an 1000 ou de la fin des temps. 

Par conséquent, lorsque les textes indiquent que, depuis la venue du Christ, l'humanité est entrée dans le dernier de ses âges, lorsque certains clercs écrivent " Nous sommes les hommes de la fin ", ce serait un contresens d'imaginer qu'ils croient à l'imminence de cette fin. Ils ne font qu'exprimer un des aspects essentiels du christianisme : l'incarnation et la passion du Christ ont ouvert le dernier âge de l'humanité, donnant un sens définitif à l'histoire. Néanmoins, nul ne se risque à calculer la date de la fin du monde, car seul Dieu connaît l'avenir, ce que l'Eglise rappelle depuis saint Augustin. 

De plus, les prétendus signes eschatologiques, séismes, comètes, famines, ne sont jamais associés, chez les chroniqueurs, à l'idée de la fin des temps : une comète annonce une guerre civile, un tremblement de terre laisse présager la mort d'un personnage célèbre. Lors du dernier jour devait se produire un séisme, mais chaque séisme n'était pas lu comme l'annonce de l'apocalypse. 

Redonnons pour finir à certains textes, trop souvent interprétés, à tort, comme apocalyptiques, leur sens authentique. Lorsque Thietmar de Merseburg célèbre vers 1018 le " matin radieux " de 1004, ce n'est pas pour exprimer un soulagement consécutif au passage sans heurts de l'an 1000 : c'est en 1004 que l'empereur Henri II a rétabli, après des années de vacance, un évêque sur le siège de Merseburg, évêque dont Thietmar est le successeur. Lorsque Adam de Brême écrit vers 1070 que l'année 1000 s'est " heureusement achevée ", c'est juste après avoir signalé que le christianisme triomphait en Scandinavie ! Enfin, lorsque Raoul Glaber note que certains clercs considéraient l'afflux de pèlerins à Jérusalem en 1033 comme un signe de la présence de l'Antéchrist, il se démarque de cet avis et défend la foi et la piété de ces pèlerins. Il semble que le commentaire qu'il contredit ait été dû non à des frayeurs eschatologiques de la hiérarchie ecclésiastique, mais à une méfiance envers un phénomène qui prenait de l'ampleur et que certains, peut-être, croyaient bon de dénigrer. Glaber ne mentionne nulle part l'existence de paniques millénaristes. 

D'ailleurs, la réalité même de ce vaste pèlerinage en 1033 peut être mise en doute. S'il fut aussi important que le souligne Raoul Glaber, pourquoi n'en a-t-on pas de traces ailleurs ? D'un autre côté, le chroniqueur ne dit pas exactement qu'il eut lieu en 1033, mais à la même époque (" per idem tempus ") que les événements (famine, mouvements de paix) qu'il vient de relater. Nombreux sont les historiens qui placèrent d'emblée ce vaste pèlerinage en 1033, sans regarder le texte de plus près. Attaché à donner du relief aux années 1000 et 1033, le chroniqueur bourguignon n'aurait-il pas ici travesti la réalité ? 

Une au moins des histoires qu'il rapporte ne semble pas avoir pu se dérouler en 1033. Glaber indique qu'au cours de ce pèlerinage l'évêque d'Orléans, Oury, aurait rapporté de Jérusalem au roi de France Robert le Pieux un fragment de la vraie Croix. Si le geste est authentique, la date de 1033 est impossible, Robert étant mort en 1031. En outre, l'évêque d'Orléans est censé avoir remis au roi des cadeaux de l'empereur Constantin VIII. Or celui-ci a régné entre 1025 et 1028. Le pèlerinage d'Oury n'a donc pu avoir lieu qu'avant 1028. 

On connaît en revanche un pèlerinage important qui se déroula en 1026-1027, conduit par le réformateur Richard de Saint-Vanne. Un autre eut lieu en 1035, auquel participèrent des nobles d'envergure comme Foulque Nerra, comte d'Anjou, et Robert, duc de Normandie. Il n'est pas impossible que Glaber ait déplacé l'un d'eux à l'année 1033, ou tout simplement les ait amalgamés, constatant qu'ils s'étaient déroulés de part et d'autre du millénaire de la Passion. Cette pratique ne lui était pas inconnue puisqu'il n'hésitait pas à décaler les dates du décès de plusieurs personnages importants afin de les faire coïncider avec les millénaires de la naissance ou de la passion du Christ. 

Le débat sur l'existence ou non de peurs apocalyptiques à l'approche de l'an 1000 est loin d'être clos. Depuis les récits proprement effrayants de Michelet, héritiers d'une tradition née au xvie siècle, il a changé de nature : l'inquiétude diffuse courant tout au long des années 950-1050, occultée par le silence des clercs, a remplacé l'idée de terreurs explosives limitées à l'année 1000. Rend-elle effectivement compte de la réalité ou n'est-elle qu'un mythe de substitution ?  

(1) Jules Michelet, Histoire de France, 1833-1846, réédition Robert Laffont, " Bouquins ", 1981, pp. 229-235. (2) On doit à Denys le Petit (v. 500-540), ecclésiastique à Rome, le calcul de l'année de la naissance de Jésus, qui a servi à déterminer le début de notre ère. (3) Raoul Glaber, Histoires, traduit et présenté par M. Arnoux, Turnhout, Brepols, 1996. (4) Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xe siècle, Privat, 1976. (5) Karl Ferdinand Werner, Les Origines. Histoire de la France, tome i, Fayard, 1984 ; Dominique Barthélemy, La mutation de l'an mil a-t-elle eu lieu ?, Fayard, 1997, p. 297-361.  

Sylvain Gougenheim 

Maître de conférences (histoire médiévale) à l'université de Paris I, Sylvain Gougenheim a publié La Sybille du Rhin : Hilldegarde de Bingen, abbesse et prophétesse rhénane, Publications e la Sorbonne, 1996 ; Les Fausses Terreurs de l'an mil, éditions Picard, 1999 

FIN DU MONDE
C'est pour les chrétiens une certitude attestée par les Ecritures. Des signes l'annonceront : séismes, éclipse du soleil et de la lune, chute des étoiles ; puis le monde sera détruit par le feu. Surgira alors un nouveau monde sur lequel régnera le Christ après le retour des morts.  

LUCIFER
" Porteur de lumière " et le plus beau des anges. Il prétendit être l'égal de Dieu et fut envoyé aux Enfers avec les anges qui l'avaient suivi et devinrent les démons. Dans l'Apocalypse de Jean, il est le dragon vaincu à la fin des temps. Il est de plus en plus présent dans les textes à partir des xie et xiie siècles.  

BABYLONE
Cette ville, où les Juifs ont été exilés au vie siècle avant J.-C., apparaît dans la Bible comme l'un des lieux où règne le Mal. Dans l'Apocalypse de Jean, elle est opposée à la Jérusalem céleste. Sous ce nom, on désigne aussi parfois, dans les textes polémiques, Rome, capitale du vice.  

AGNEAU
Animal du sacrifice. Dans l'Evangile de Jean, l'expression " Agneau de Dieu " désigne Jésus. Dans l'Apocalypse de Jean, l'agneau, symbole et nom du Christ, joue un rôle capital : " Un agneau se dressait qui semblait immolé. Il avait sept cornes et sept yeux qui sont les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre. " Sa fiancée est la Jérusalem nouvelle ; l'agneau siège à côté de Dieu, sur un trône.  

LA BÊTE

La bête de l'Apocalypse, parfois assimilée à l'Antéchrist, a représenté le pouvoir impérial romain, puis toute puissance persécutrice des chrétiens. Elle porte, chez Jean, dix cornes et sept têtes. Elle ressemble au léopard ; ses pattes sont celles de l'ours ; sa gueule, celle du lion.  

JUGEMENT DERNIER
Annoncé par le Nouveau Testament, il correspond, à la fin des temps, à la seconde venue du Christ. Devant lui comparaîtront les vivants et les morts. Les justes, placés à la droite de Dieu et conduits dans le royaume des cieux, seront séparés des réprouvés, rejetés à sa gauche et condamnés au feu éternel.  

Michelet et le diable
Une vision romantique de l'an 1000 : celle de Jules Michelet dans son Histoire de France. 

" C'était une croyance universelle au Moyen Age que le monde devait finir avec l'an 1000 de l'incarnation. 

D'ailleurs, en ces temps de miracles et de légendes, où tout apparaissait bizarrement coloré comme à travers de sombres vitraux, on pouvait douter que cette réalité visible fût autre chose qu'un songe. Les merveilles composaient la vie commune. [...] Le diable ne prenait plus la peine de se cacher : on l'avait vu à Rome se présenter solennellement devant un pape magicien. Au milieu de tant d'apparitions, de visions, de voix étranges, parmi les miracles de Dieu et les prestiges du démon, qui pouvait dire si la terre n'allait pas un matin se résoudre en fumée, au son de la fatale trompette ? Cette fin d'un monde si triste était tout ensemble l'espoir et l'effroi du Moyen Age. Voyez ces vieilles statues dans les cathédrales du xe et du xie siècle, maigres, muettes et grimaçantes dans leur roideur contractée, l'air souffrant comme la vie, et laides comme la mort. [...] C'est l'image de ce pauvre monde sans espoir après tant de ruines. Malheur sur malheur, ruine sur ruine. Il fallait bien qu'il vînt autre chose, et l'on attendait. " 

(in Histoire de France, livre IV, chap.I, 1833-
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Lun 14 Oct 2019 - 10:17
La fin du monde ? Enquête sur le business de l'apocalypse



Faut-il avoir peur de la fin du monde... ou de ceux qui en profitent ? Selon le calendrier Maya, la fin du monde aura lieu en 2012. La quasi-totalité des continents serait alors rayée de la carte. Mythe ou réalité ? Une chose est certaine : l'apocalypse suscite déjà un important business et attire les profiteurs de tous poils. « Enquêtes et révélations » a enquêté sur la « folie » de la fin du monde, et sur tous ceux qui en profitent : constructeurs d'abris anti-atomiques, vendeurs de « kit de survie », mais aussi « gourous » qui ont flairé le bon filon pour vendre des « stages » à prix d'or... Plus inquiétant, les journalistes ont également infiltré des mouvements sectaires, qui surfent sur la peur de la fin du monde pour recruter de nouveaux adeptes.
Une enquête qui démarre... en France, à Bugarach, un petit village de l'Aude, censé être épargné par l'apocalypse, puis qui nous emmène jusqu'au pays Maya, où le business bat son plein, en passant par les Etats-Unis, sur la trace de « survivalistes » qui se préparent à l'apocalypse... arme au point.

Chaîne : TF1
Émission : Enquêtes et Révélations
Réalisation : Arnaud Levert
Patrick Spica Productions


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